La maison des enfants perdus

Il y a soixante-dix ans, la colonie des enfants d'Izieu, qui menait jusque là une vie tranquille à l'abri de la guerre, était déportée à Auschwitz sur les ordres du "Boucher de Lyon", Klaus Barbie. Un mémorial entretient leur souvenir depuis maintenant deux décennies. Pauline Lambert


C'est une grande bâtisse qui se dresse en pleine verdure, dans l'Ain, aux confins de la Savoie et de l'Isère. Le 10 avril 1943, Sabine et Miron Zlatin s'y installent avec une quinzaine d'enfants, une véritable «Colonie d'enfants réfugiés» qui finira par accueillir plus d'une centaine d'enfants français, allemands, polonais ou autrichiens. Dans le dortoir, on reconnaît leurs portraits, dans le réfectoire, leurs dessins, tandis que l'exposition de la grange présente le parcours des familles des enfants, ainsi que l'histoire du génocide juif.

Leur quotidien, fait de promenades, de baignades et de jeux, y est plutôt gai. Les bâtiments, au charme champêtre intact, pourraient en témoigner à eux seuls. Tout le monde participe à la vie en communauté et les plus grands – les deux adolescents Théo et Paul – s'occupent même d'un potager. Malgré des moyens limités, les Zlatin arrivent à subvenir aux besoins de tout le monde : cartes de ravitaillement, inscription des plus grands à l'école de Belley, tout est organisé pour leur bien-être en attendant de leur trouver une famille d'accueil en Suisse.

De la colonie au camp

6 avril 1944. Sabine Zlatin est à Montpellier, où cette infirmière dans les camps, membre de l'Oeuvre de Secours aux Enfants (OSE), a déjà mené un tel projet. C'est le début des vacances de Pâques. Les enfants, à peine réveillés, s'apprêtent à prendre leur petit déjeuner lorsque débarquent deux camions de la Wehrmarcht et une voiture de la Gestapo. Léon Reifman, prévenu par sa sœur, saute par la fenêtre et échappe à la rafle. Quarante-quatre enfants et les sept éducateurs sont arrêtés, conduits à la prison Montluc à Lyon, à Drancy puis à Auschwitz, où ils seront assassinés. Le directeur de la colonie Miron Zlatin et deux adolescents sont eux conduits à Tallinn, où ils mourront également.

Seule l'éducatrice Léa Feldblum, dirigée vers les kommandos de travail, survivra. Sabine Zlatin, surnommée "la Dame d'Izieu", apprend la nouvelle sous forme d'un télégramme codé : «Famille malade. Maladie contagieuse». Elle tente en vain de les sauver, puis rejoint la Résistance. Le jour le Mémorial, imaginé au lendemain du procès Barbie (1987) - dont on peut voir des extraits vidéo au terme d'une visite aussi digne qu'instructive - verra le jour grâce à elle. 

La Maison d'Izieu
70 route de Lambraz, Izieu (04 79 87 21 05)
Tarifs : de 0€ à 7€


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L’esprit et la lettre