A la Belle étoile

En première partie de Stranded Horse et de son nouveau compère malien Boubacar Cissokho, il faut absolument partir à la découverte de Belle Arché Lou, fratrie de chasseurs de lunes dont le fascinant vaisseau constitué d'un vibraphone et d'une guitare classique est taillé pour les plus lointains voyages. Stéphane Duchêne.


On aurait pu choisir de vous parler ici des deux têtes d'affiche de cette soirée, à savoir Stranded Horse – nom sous lequel se cache l'excellent obsédé de la kora malienne qu'est le mal nommé Yann Tambour – et Boubacar Cissokho – qui n'est autre que le neveu virtuose d'un autre grand maître de la kora, Ballaké, avec lequel Stranded Horse a déjà œuvré. Et en profiter pour dire à quel point, par exemple, leur reprise à coups d'instruments traditionnels du Transmission de Joy Division est une pure hallucination.

Mais c'est une autre hallucination que nous choisirons ici d'évoquer, où il est également question d'instruments traditionnels (principalement de vibraphones et de guitares classiques) et de transmission vers l'infini : Belle Arché Lou. Ce nom, le groupe formé par les frères Wesley et Alexis Paul, deux anciens néo-métalleux – même si le second a tout de même été l'élève d'Eric Truffaz – est allé le cueillir aux mains de deux chasseurs de transcendance : Guillaume Apollinaire dans la poésie et l'amour fou qu'il portait à la belle Louise "Lou" de Coligny-Châtillon, et l'astronome Scott S. Sheppard dans sa quête d'astres, dont une lune de Jupiter, J XLIII ARCHE dite "Arché", du nom de l'une des quatre muses originelles nées de Zeus et Mnémosyne.

Moïse et la mélancolie

Quel rapport avec la musique ? Il suffit de se laisser happer deux secondes par le produit de cette inspiration, mélange de post-folk, d'ambient organique et d'easy-listening, comme on disait dans le temps, pour voir des étoiles et même trente six chandelles. C'est en cherchant le dépouillement le plus extrême à travers cette formule vibraphone-guitare classique que les frères Paul ont paradoxalement trouvé, via le morceau fondateur Moïse et la Mélancolie, une source intarissable de sophistication d'où les morceaux semblent couler de source.

Des morceaux titrés Les Avalanches tombées du ciel, ainsi qu'Apollinaire décrivait les pluies d'obus des champs de bataille de la Grande Guerre, Quelques rivières secrètes ou Pour détruire le chagrin du monde. Loin très loin de l'esprit DIY et coupe-chou de Non Void et, à vrai dire loin de toute chose – même si l'on pense parfois à Encre (où l'on revient à Yann Tambour) ou à David Grubbs – les frères Paul, produits par JC Versari (Josh T. Peason, Frustration, Marilou et les Garçons…) semblent en effet bel et bien lutter à détruire le chagrin du monde. Mais en le remplissant à ras-bord de larmes afin qu'il en déborde.

Belle Arché Lou [+ Stranded Horse & Boubacar Cissokho]
Au Marché Gare, jeudi 15 mai


<< article précédent
Insomniaque - Semaine du 14 au 20 mai