Ici, c'est Lyon


On ne se hasardera pas à estimer les tailles des esprits de la direction du Musée des Beaux-Arts et des propriétaires de la Twentytwo Gallery, toujours est-il qu'ils se sont rencontrés : tandis que la première consacre une rétrospective à la peinture troubadour, cette réappropriation méticuleuse et sensible de l'histoire médiévale dont Lyon fut l'un des foyers au XIXe siècle, les seconds promeuvent deux jeunes artistes qui pourraient en être des descendants.

L'un, Étienne Cail, est un portraitiste obsédé par la Chine, au coup de pinceau impulsif et dont les toiles, contrefaçons de chefs-d'œuvre (La Liberté guidant le peuple de Delacroix, Le Déjeuner sur l'herbe de Manet, le Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de David...) et «gueules» hyperréalistes, dégagent une telle sévérité fantomatique qu'elles pourraient illustrer un documentaire de Rity Panh. L'autre, Yoann Merienne, donne corps dans un style plus maniaque et avec un sens de l'anatomie et du volume assez remarquables, à des figures à la noblesse quasi-mythologiques – voire complètement, à l'image de ce centaure qu'empale un gladiateur sur La Mort du roi.

Tous deux sont autodidactes, vraisemblablement tombés dans un guet-apens des mascottes Kodak – à l'exception du jaune, que le daltonien Merienne utilise comme une patine, tout n'est que grisaille – et traitent le regard comme un puits narratif. Ils ont surtout en commun, à l'instar de leurs aïeuls picturaux et bien qu'ils ne partagent par leur goût des armures et couronnes, d'avoir trouvé un juste équilibre entre monumentalité et intimisme.

Benjamin Mialot

Étienne Cail et Yoann Merienne
Jusqu'au samedi 17 mai, à la Twentytwo Gallery


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