«Quand t'es dans le désert…


…depuis trop longtemps» disait la rengaine eighties de Jean-Patrick Capdevielle, retour aux bas instincts et la rudesse du rapport au corps que prolonge Régis Pégeot dans Canicule. La sexualité y est fatalement très présente. Elle ouvre même la pièce : abrupte, sauvage, mal et peu partagée, elle demeure un lien entre trois égarés dont les repères se sont disloqués, cramés par le soleil et l'ennui. Restituer cette ambiance de perdition est la grande force de ce spectacle qui se donne les moyens de ses ambitions : cornes biscornues de mammifères et vieux tonneau rouillé gisent sur un tas de sable mordoré qu'écrasent les projecteurs.

Dans ce no man's land réaliste, ce que se racontent les protagonistes – une femme et deux hommes, dont notre collègue Christian Jeulin – passe parfois au second plan. Seules des bribes de conversations disent leur fatigue et leurs irritations les uns vis-à-vis-des autres, ponctuant une pièce surtout rythmée par un fort travail sur les corps et les déplacements. Ceux-ci auraient toutefois gagnés à être encore plus répétitifs, plus étirés, comme ce ballet d'automates que la metteur en scène (et ici excellente actrice) Meissoune Majri-Pégeot avait chorégraphié dans une des précédentes créations de sa troupe ETC, la beaucoup plus narrative Théorie de Mars.

Dans l'intervalle, des trouvailles d'objets (un pistolet, de la nourriture, des bâtons…) animent ce trio, non sans montrer que, même coupé du monde, l'homme est prompt à la jalousie et à l'appropriation d'un territoire. Jusqu'à un monologue féminin où, enfin, affleure l'émotion, une fois que toutes colères se sont – momentanément – assoupies.

Nadja Pobel

Canicule
Al'Espace 44, jusqu'au dimanche 25 mai


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