Retour à Paris, Texas


Il y a trente ans, au terme d'un festival de Cannes où il avait plu sans interruption, le jury couronnait Paris, Texas de Wim Wenders, dont personne ne discutait le fait qu'il était le meilleur film présenté cette année-là. Wenders y effectuait une synthèse parfaite entre son goût de l'errance hérité du cinéma européen, Antonioni en premier lieu, et sa fascination pour l'Amérique, qu'il avait déjà abordée de biais via L'Ami américain, puis plus frontalement avec la commande Hammett.

Sous un soleil de plomb, en plein désert, un homme barbu et fatigué avance à l'horizon, s'arrête, récupère un peu d'eau dans un jerrican, tandis que résonne la guitare bluesy et plaintive de Ry Cooder… Ce vagabond-là semble s'échapper d'un cinéma contemplatif et atterrir dans un territoire de western américain — ce que le titre, renvoyant à une ville appelée Paris et située en plein Texas, souligne aussi. D'où arrive-t-il ? De nulle part, ou plutôt d'une longue absence, et il est bien décidé à retrouver sa place parmi les siens, et notamment auprès de son fils.

Sans aucun pathos, Wenders montre comment le père va renouer ce lien distendu — magnifique scène où, à la sortie de l'école, Harry Dean Stanton effectue un petit numéro à la Chaplin pour faire sourire son enfant — et même le pousser plus loin, en partant à la recherche de son ancienne compagne — Nastassja Kinski. La séquence des retrouvailles à travers la vitre du peepshow est inoubliable, autant par la puissance de la mise en scène, la subtilité de l'écriture — il la voit, elle non — que par le choix de Wenders de la laisser durer, le temps que la vérité et les émotions éclatent entre les personnages. Tout cela fait de Paris, Texas un pur classique de l'Histoire du cinéma, à redécouvrir dans sa version restaurée.

Paris, Texas
De Wim Wenders (1984, All-Fr-ÉU, 2h27) avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Aurore Clément…
À l'Institut Lumière, du 28 mai au 3 juin


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