L'amour à la française

Revenue au sommet sous l'impulsion de Benjamin Biolay, Vanessa Paradis, cette délicate pâte à modeler, retrouve son Pygmalion le temps d'une paire de concerts avec l'orchestre du CRR de Lyon. Un événement "made in" Nuits de Fourvière. Aurélien Martinez


Plus de vingt-cinq ans que Vanessa Paradis navigue dans le monde de la chanson française, sous-catégorie variété haut de gamme. Une longévité remarquable pour celle qui n'écrit pas (ou si peu) ses morceaux : le pari, risqué, la rend dépendante d'autres. Mais ce serait sans compter sur ce mystère qui lui permet de subtilement diffuser sa sève, pour que les disques qu'on lui écrit semblent venir directement d'elle.

Normal, puisqu'elle s'est souvent associée à des auteurs-compositeurs de renom, principalement des hommes, avec lesquels il lui est arrivée d'entretenir une relation plus que professionnelle – fut-elle amicale ou amoureuse. Serge Gainsbourg en 1990 pour le moins cul-cul qu'il n'y paraît Variations sur le même t'aime, Lenny Kravitz en 1992 pour l'envoûtant (et tout en anglais) Vanessa Paradis, ou encore Matthieu Chédid et quelques autres musiciens de la même veine en 2000 pour l'écrin Bliss : chaque fois, le chef d'orchestre mit en lumière une nouvelle facette de l'interprète, sans jamais forcer le trait. Car Vanessa Paradis est tout sauf une femme objet à qui l'on refile des titres pondus à la chaîne pour des poupées interchangeables.

Vague à l'âme

C'est plutôt une personne entière, avec un cœur gros comme ça (il suffit de regarder son passage télé chez Ardisson en 2004 pour comprendre à quel point elle aimait son Johnny Depp) qu'elle n'ouvre pas au tout-venant. Une chanteuse du coup pas très à l'aise dans le libertinage artistique, comme on a pu s'en rendre compte en 2007 sur le multi-composé Divinidylle, succès certes parsemé de tubes efficaces (Divine Idylle, Dès que j'te vois...) rappelant le M&J qui l'a dévoilée en 1988 (avec le single Joe le taxi), mais néanmoins dépourvu de ce supplément d'âme qui fait la magie Paradis. D'où cette excellente surprise que fut au printemps 2013 Love Songs, sixième album qui ressemble fortement à celui de la synthèse – plus qu'à celui de la maturité, qui ne concerne finalement que les artistes ayant besoin de se trouver une légitimité à un moment donné.

Produit par un Benjamin Biolay inspiré, qui offre là à Paradis quelques-unes de ses plus belles chansons, Love Songs vogue sur diverses terres (celles de Mathieu Boogaerts ou de l'ex-Libertines Carl Barât) sans jamais perdre de vue l'impératrice qui régit l'ensemble du haut de son piédestal. Biolay confia au moment de l'enregistrement que Paradis était sa chanteuse préférée. La suite, on la connait, elle s'est étalée en Une des tabloïds. Cette semaine, c'est une toute autre affiche qu'ils partageront : celle des Nuits de Fourvière où, avec la complicité de l'orchestre du Conservatoire à Rayonnement Régional – dirigé par Biolay himself – ils revisiteront ensemble lesdites chansons d'amour. Belle manière de boucler la boucle.

Vanessa Paradis
Aux Nuits de Fourvière, mardi 10 et lundi 16 juin


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