Au fil d'Ariane

Présenté comme une «fantaisie», le nouveau film de Robert Guédiguian divague selon les bons plaisirs du cinéaste et de sa comédienne fétiche Ariane Ascaride, pour un résultat old school et foutraque, avec toutefois de vrais instants de beauté. Christophe Chabert


Il serait facile de balayer en quelques frappes sur notre Mac Au fil d'Ariane : cinéma d'un autre âge justifiant son n'importe quoi scénaristique par un appel paresseux au rêve, ou encore projet récréatif pour Guédiguian entre deux films d'envergure… Tout cela est loin d'être faux, mais…

Le jour de son anniversaire, Ariane (Ascaride) reste seule face à son gâteau ; plutôt que de se morfondre, elle décide de partir à l'aventure et, au gré des rencontres, va se constituer une petite famille de gens simples, avant de réaliser son fantasme : chanter sur scène. Pour l'occasion, Guédiguian a convoqué sa famille de comédiens (Meylan, Darroussin, Boudet ou Anaïs Demoustier, désormais intégrée) tous apportant leur touche de couleur au casting.

À la façon de certains Blier dernière manière et conformément à son titre, Au fil d'Ariane semble écrit au gré de l'inspiration, dans une logique de premier jet où les bonnes comme les mauvaises idées se retrouveraient sur un pied d'égalité. Parfois, c'est effectivement ridicule — les images de synthèse au début, Boudet et son faux accent anglais, Ascaride qui dialogue avec une tortue — mais à force de ne mettre sur l'écran que ce qu'il aime et de tout assumer avec une indéniable sincérité, Guédiguian révèle ce qui est peut-être sa vraie nature : un peintre impressionniste caché derrière le chroniqueur réaliste de la classe ouvrière.

Estaque au Crépuscule, 2013.

En cela, au milieu de séquences mal foutues, aux dialogues appuyés et à la mise en scène laminée par un montage hasardeux, se révèlent d'étranges éclats de beauté et de sérénité. À travers le paysage d'abord, cette Estaque que Guédiguian n'en finit plus de célébrer, ici sublimée par des aubes et des crépuscules maritimes magnifiques, mais aussi celle des chansons de Jean Ferrat, qu'on entend in extenso sur la bande-son — c'est vrai que c'est beau, Ferrat… Ou cette visite au Musée d'histoire naturelle, aux accents fantastiques, qui se poursuit en tempête déchaînée ; ou encore cette capacité à célébrer les formes plantureuses de Lola Naymarck, nue sur le sable.

Un des plus beaux films de Guédiguian, Marie-Jo et ses deux amours, laissait déjà deviner cette envie de filmer librement, comme on peint un tableau ; si on arrive à oublier les vaines turpitudes narratives d'Au fil d'Ariane, on en aura un nouvel exemple, en mode mineur.

Au fil d'Ariane
De Robert Guédiguian (Fr, 1h32) avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin…


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