Les débarqués

Vous en avez soupé des gros plans sur la reine-mère et des pseudo réconciliations russo-américaines des célébrations du D-Day ? Alors filez au CHRD, qui revient avec pertinence, intelligence, sobriété et surtout humanité sur le Débarquement de l'été 1944 à travers le portait de douze hommes. Nadja Pobel


Depuis qu'il a rouvert et totalement remanié son exposition permanente en 2012, le CHRD porte un regard moins généraliste qu'auparavant sur la Seconde Guerre mondiale, mettant au cœur de son propos des objets et des récits qui rendent concrète la grande histoire. C'est naturellement par ce biais de l'intime qu'est donné à voir et à comprendre le Débarquement.

Douze panneaux relatent chronologiquement les moments-clés de cette opération qui ne dura "que" cent jours mais fit plus de 150 000 victimes (dont 31 000 soldats américains et 80 000 militaires allemands, mais aussi presque 20 000 civils français). Chacun de ces "checkpoints" est rendu sensible par l'histoire personnelle d'un homme, engagé ou simple habitant, et quelques-unes de ses affaires, reliques revenues de l'enfer. Ainsi de ce pilote de P51 Mustang, qui survécut à la bataille mais mourrut quelques mois plus tard lors de sa centième et dernière mission. Car si la date du 6 juin a marqué le premier jour de ce sanglant événement, le 25 juillet fut pire encore avec l'opération Cobra, au terme de laquelle les Alliés s'ouvrirent la route de la Bretagne.

Bigger soldiers

C'est l'une des grandes forces de cette exposition que de ne pas se limiter à ces bornes temporelles, mais d'inscrire ce court moment historique dans la vie (parfois brisée nette) de ceux qui l'ont fait ou subi. Ici, une photo d'un jeune soldat allemand de treize ans (!), souriant comme un collégien partirait en classe verte, jouxte un casque en acier transpercé de balles. Là, une carte de visite d'une maison close du Havre, propriété d'un militaire coureur de jupons, côtoie une amulette figurant une Vierge à l'enfant. À chacun son refuge.

Grâce au commissaire Antoine Dehays, doctorant aux universités de Caen et Washington, proche de familles normandes qui ont traversé cette période, surgissent également le récit et les photos des Pradignac, qui eurent le courage et le malheur de recueillir des pilotes canadiens comme des déserteurs polonais : alerté par une rumeur, les Allemands firent une descente le 26 août, et tuèrent le fils sous les yeux de ses parents et de sa sœur (qui a prêté des documents pour l'exposition). Interdiction de toucher le corps. La famille taira malgré tout la présence des quatre soldats, leur offrant une autre cache. À quelques mètres des célèbres Juno et Omaha Beach, le Débarquement s'inscrit aussi dans l'antre de ces rencontres-là.

C'est le Débarquement !
Au CHRD, jusqu'au dimanche 4 janvier


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Le grand détournement