Tout seul comme un grand

La semaine prochaine, Shigeto sera à l'affiche de Jazz à Vienne aux côtés de M. Sayyid, l'un des MCs d'Antipop Consortium. D'ici là, c'est à l'ombre des containers du Transbordeur qu'il déploiera son bel abstract hip hop aux reflets bleutés. Benjamin Mialot


Les proverbes chinois sont comme les whiskies dans Mad Men (voir l'amusant article de Slate sur le sujet), il en existe un pour chaque situation. Celui qui suit, par exemple, résume parfaitement la trajectoire de Zach Saginaw : «Mieux vaut transmettre un art à son fils que de lui léguer mille pièces d'or». OK, le fils en question est d'ascendance japonaise, comme le laisse entendre son deuxième prénom, Shigeto, hérité d'un arrière grand-père originaire d'Hiroshima et devenu son pseudonyme scénique... Il n'empêche, c'est bien la passion de son daron pour les musiques afro-américaines forgées dans son Michigan natal (soul, techno, jazz...) qui imprime chaque geste de ce petit génie de la pulsation, batteur précoce et bidouilleur obsessionnel dont les morceaux ont la beauté et l'ampleur d'une floraison filmée en accéléré. 

Petit à petit

Lui leur laisse cependant le temps de grandir (shigeto, dans la langue de DJ Krush), estompant leurs contours d'une élégance de maître calligraphe, les texturant avec la patience d'un tailleur de bonsaï, les concevant comme autant d'origamis acoustiques aux complexes et délicates pliures. Mais qu'on ne s'y trompe pas : si ses beats ont la pureté organique de percussions traditionnelles, ce n'est pas un folklore que Shigeto reconsidère dans les trois albums qu'il a enregistrés depuis 2010, c'est un patrimoine, fut-il industriel (certains accidents intentionnels rappellent les crash tests en mono d'Aphex Twin), urbain (signé par Ghostly International, il pourrait tout aussi bien l'être par un laboratoire hip-hop type Warp) ou marécageux (fan de Herbie Hancock, le Fender Rhodes compte parmi ses claviers fétiches). Ce même patrimoine qui structurait les premiers disques de Four Tet, autre anglophone aux racines orientales bien enfouies, ou le Cosmogramma de Flying Lotus, dont les artefacts dessinaient façon points à relier le visage d'Alice Coltrane, femme de John et tante du leader de la scène abstract de Los Angeles. Deux figures tutélaires parmi tant d'autres (Daedelus, Amon Tobin, DJ Shadow...) que ses concerts, à mi-chemin de la démo improvisée dans un magasin d'instruments et de la masterclass de sound design, dissipent en un roulement de toms – mais qui rythmeront l'apéro que nous animerons en amont de celui qu'il donnera au Transbordeur. 

Shigeto [+ No Jezz at Home + Apéro Petit Bulletin]
Au Transbordeur, dans le cadre des Summer Sessions, jeudi 3 juillet

Shigeto & M. Sayyid present "Power Plant"
Au Jazzmix, dans le cadre de Jazz à Vienne, mercredi 9 juillet


<< article précédent
Du rififi à Théo Argence