La dérive des continents

Grand archéologue des racines musicales américaines, étonnant voyageur des musiques du monde, le grand maître du blues traditionnel Taj Mahal s'est régulièrement acoquiné avec la crème des musiciens africains et plus particulièrement maliens. A l'occasion de la Nuit africaine de Jazz à Vienne, il retrouve pour un choc continental haut en couleurs l'un de ses complices favoris : le griot Bassekou Kouyaté, spécialiste du luth n'goni. Stéphane Duchêne.


Henry Saint Clair Fredericks, plus connu sous le pseudonyme de Taj Mahal, est une sorte d'anomalie dans l'histoire de la musique américaine : l'un des rares musiciens de sa génération, native du début des années 40 et nourrie de musique en abondance, se désintéressant du phénomène rock'n'roll et de ses divers avatars, préférant au charme de la nouveauté celui de la tradition jazz, gospel et même classique.
 

Sans doute peut-on y voir l'influence de parents qui ont connu, avant d'émigrer vers le Massachusetts, l'effervescence de la "Renaissance d'Harlem", important mouvement artistique de l'entre-deux guerres marquant l'affirmation de la culture afro-américaine sous toutes ses formes.
 

Maîtrisant à peu près tout ce que la musique compte d'instruments à cordes (guitare, banjo, dobro, dulcimer et une quinzaine d'autres), ethnomusicologue diplômé, Taj Mahal met sa science au service d'une remontée du courant americana aux sources du blues, de la country, du folklore hawaïen et de la musique des Caraïbes – d'où la famille de son père, descendante d'esclaves, est originaire – y compris le reggae.
 

Griot américain


Cette exploration toujours plus poussée de la tradition, muée en ouverture au monde, Taj Mahal la partage avec l'un de ses premiers complices des 60's au sein des Rising Sons : Ry Cooder. Comme lui, il figure une sorte de griot américain, de gardien du temple. Comme lui aussi, il se tourne volontiers vers l'Afrique et, comme lui toujours, a collaboré avec le bluesman malien Ali Farka Touré.
 

Puis avec le prince de la kora Toumani Diabaté sur l'album Kulanjan, il y a quinze ans déjà. L'échange se poursuit avec Bassekou Kouyaté, protégé de longue date de Diabaté et virtuose du n'goni, une autre forme de luth mandingue qu'il aime à électrifier pour dynamiter – un peu – la tradition sacrée.
 

Après avoir participé à l'album Kulanjan, Kouyaté avait invité Taj Mahal sur son dernier disque, Jama Ko, et les deux musiciens se retrouvent régulièrement sur scène. Ce sera encore le cas lors de la nuit africaine de Jazz à Vienne, pour un ping-pong américano-africain qui s'annonce, bien entendu, totalement fiévreux.
 

Nuit africaine - Taj Mahal et Bassekou Kouyaté [+ Roberto Fonseca & Fatoumata Diawara + Youssou N'Dour]
Au théâtre antique de Vienne, vendredi 11 juillet


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