3 Cœurs

De Benoît Jacquot (Fr, 1h46) avec Benoît Poelvoorde, Chiara Mastroianni, Charlotte Gainsbourg, Catherine Deneuve…


Benoît Jacquot ne se prive pas pour définir 3 Cœurs comme un «thriller sentimental» ; et il ne lésine pas sur les moyens pour le faire comprendre au spectateur dans l'introduction, où, en plus des notes sombres qui parsèment la musique mélodramatique de Bruno Coulais, circule un climat fantomatique pour narrer le coup de foudre entre un type qui vient de rater son train —Pœlvoorde — et une fille qui erre dans les rues — Gainsbourg. Ils se donnent rendez-vous à Paris, mais en chemin, il est foudroyé par une attaque cardiaque.

Cette entame étrange, abstraite, à la lisière du fantastique, est en effet ce que Jacquot réussit le mieux, le moment où sa mise en scène dégage une réelle inquiétude. En revanche, tandis que l'histoire se resserre autour d'un nœud sentimental — confectionné grâce à un sacré coup de force scénaristique — où Poelvoorde tombe amoureux de la sœur de Gainsbourg (Chiara Mastroianni) ignorant les liens qui les unissent, le suspense est comme grippé par l'approche psychologique et réaliste du cinéaste. Il faut dire que lorsque Jacquot tente de ramener de la quotidienneté dans le récit — que ce soit les séquences à la direction des impôts, la sous-intrigue politique, ou une scène de mariage d'une tristesse assez sidérante — le film sonne faux et vieillot.

Rejaillit alors la plus grosse faiblesse de 3 Cœurs : son casting. Pas que les comédiens soient mauvais, au contraire, mais il faut sacrément suspendre son incrédulité pour avaler le fait que Poelvoorde tombe d'aussi jolies femmes en commandant une Vittel ou en sortant de son bureau. Comme s'il savait que sa tentative de romanesque hitchcockien était en train de prendre l'eau, Jacquot intervient lui-même dans son film par une voix-off illustrative et sentencieuse, ultime tentative — assez vaine — pour faire décoller un film en fin de compte assez plat.

Christophe Chabert


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