Joyau Gilberto(s)

C'est en solo, à la guitare acoustique, que la légende Gilberto Gil, homme aux milles vies et aux mille musiques, vient faire résonner l'Auditorium de douce sambas livrées en hommage à un autre maître brésilien : Joao Gilberto. Stéphane Duchene


L'an dernier, le Brésil nous avait envoyé l'un des dignes successeurs de Gilberto Gil et de son compère en tropicalisme Caetano Veloso en la personne de Rodrigo Amarante. Comme ses aînés, ce dernier est un musicien de l'exil : géographique d'abord, entre Etats-Unis et France – même si le sien est un peu plus volontaire que ceux, londoniens, de Gil et Veloso, "contraints" par le contexte de la dictature militaire qui ne voyait pas d'un très bon œil ces types un peu trop libres pour être honnêtes – mais aussi musical – comme eux, il pratique un art nourri du brassage pop. Une dernière chose toutefois relie Amarante et les tropicalistes en chef : il a été le compère musical au sein de L'Orquestra Imperial de Moreno Veloso, le fils de Caetano. Or c'est ce même Moreno qui vient de produire le dernier album de Gilberto Gil. Un album qui constitue pour l'enfant du Nordeste une sorte de retour aux sources : un hommage à la samba et plus précisément à Joao Gilberto.

Desafinado

De la part d'un musicien qui fut en son temps hué car accusé à la fin des années 60 – celles du tropicalisme donc – de fouler au pied la tradition musicale de son pays – un peu comme lorsque Bob Dylan électrifia le folk – pour l'abâtardir à grand renforts de pop occidental, de rock psychédélique et d'influences mondialistes ; qui a ensuite ratissé les genres musicaux sur tous les continents le long d'une cinquantaine d'albums, voilà une manière, si ce n'est de boucler la boucle, du moins de payer avec un doux panache un tribut à ses aînés, à ses totems. De faire, comme il le dit non sans humour, du «Joao Gilberto Gil» (et cela, au moins, constitue une belle boucle). Pour cela, l'ancien ministre de la Culture de Lula a réuni dix sambas qui sont autant de classiques passés entre les mains de Tom Jobim, Caetano Veloso, toujours lui, et bien d'autres. Dont Gil lui-même, qui complète le menu de ce Gilbertos Samba avec deux compositions originales à l'avenant... fort avenant. Autant dire que la chose relève de l'enchantement : entendre Gil interpréter en acoustique et de sa voix soufflée des sambas de miel, classiques absolus comme ce Desafinado qu'il attife volontiers de fantaisistes mais toujours discrètes fanfreluches, c'est comme voir un vénérable maître revenir fouler les plages de son enfance – celles de Bahia, communes aux deux Gilberto. Non pas avec la nostalgie qui sied aux vénérables en auto-pélerinage final mais avec la joie naïve d'une jeunesse retrouvée. Ou peut-être jamais perdue.

 

Gilberto Gil
A l'Auditorium, lundi 6 octobre


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