Comédies (noires) du remariage

Si le philosophe Stanley Cavell a défini la comédie classique américaine comme une éternelle variation autour du «remariage», certains cinéastes en ont offert l'envers noir et critique, dont "Gone Girl" serait le dernier exemple. En voici cinq autres. Christophe Chabert


1955 – Sept ans de réflexion (Billy Wilder)

Le titre français est trompeur ; en fait, ces sept années-là, ce sont sept années de mariage au terme desquelles l'époux est taraudé par une démangeaison du «pouce», autrement dit une envie irrépressible d'aller voir ailleurs. Pour Tom Ewell, la tentation s'appelle Marylin Monroe, voisine explosive qui débarque dans son appartement un été de canicule, tandis que femme et enfants sont en vacances. Adaptant un hit de Broadway, Billy Wilder apporte sa touche sarcastique à la comédie du remariage, en montrant la perspective de l'infidélité comme un grand moment de burlesque mais aussi comme une fatalité pas si grave que ça.

 

1979 – Elle (Blake Edwards)

George Webber (Dudley Moore), scénariste, vit sur les hauteurs d'Hollywood avec sa femme Samantha (Julie Andrews) ; mais entre son impuissance à écrire et son voyeurisme qui le pousse à observer à la longue vue les orgies de ses voisins de colline, George glisse — littéralement, puis métaphoriquement — dans le ravin du mensonge et de l'adultère. Et lorsque l'occasion se présente toute cuite — en la personne, il est vrai toute cute, de Bo Derek — ses scrupules prennent le pas sur son désir, effrayé par l'absence d'interdits de sa partenaire. Fable morale ? Oui, mais aussi hilarante que mélancolique, signe du génie d'un Blake Edwards au sommet.

 

1989 – La Guerre des Rose (Danny De Vito)

Comment un mariage parfait peut s'engluer dans un divorce qui tourne mal et virer à la lutte à mort entre les deux époux — Michael Douglas et Kathleen Turner, comme dans une mauvaise suite domestique de leur couple immortalisé par Zemeckis dans À la poursuite du diamant vert. Dans le film de Danny De Vito, cinéaste plutôt sous-estimé, cette Guerre des Rose qui n'a rien de shakespearienne va jusqu'au bout de la tragédie, mais servira d'exemple édifiant pour (p)réparer d'hypothétiques (re)mariages…

 

1999 – Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick)

Comme dans Elle, l'errance du Dr Harford (Tom Cruise) à la recherche d'aventures sexuelles pour reprendre l'ascendant sur une épouse (Nicole Kidman) qui lui a confessé ses fantasmes adultères, se termine la queue entre les jambes, le médecin pleurnichant dans son oreiller sur son comportement pourtant désespérément chaste ! Il fallait toute l'ironie de Kubrick pour faire de cette adaptation de Schnitzler un film de chambre aux proportions monumentales, une étude de couple ironique et flamboyante peuplée de fantômes, de menaces et de rencontres bizarres, habitée par un amour du cinéma absolu et un féminisme inattendu.

 

2011 – B.A.T., Bon À Tirer (Peter et Bobby Farrelly)

Les frangins Farrelly s'offrent à leur tour une variation autour de Elle, passé au prisme de leur humour trash. Quoique… La semaine de liberté octroyée à deux hommes mariés, libérés par leurs femmes de leurs obligations de fidélité conjugale, est surtout l'occasion pour les Farrelly de montrer que, comme leurs héros, ils sont un peu vieux pour se livrer à de piteux fantasmes adolescents. Et, comme dans Eyes Wide Shut, ce sont en définitive les femmes qui triomphent, au clair avec leurs désirs, débarrassées de leur culpabilité, lucides sur ce que vieillir ensemble veut dire.


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