Lumière 2014 : flashback sur l'outback


Ce lundi débute la sixième édition du festival Lumière, avec en guise d'ouverture Faye Dunaway présentant Bonnie and Clyde et en point d'orgue la remise du Prix Lumière à Pedro Almodóvar. Tout comme on ne peut que vous inciter à aller découvrir dès cette semaine des raretés comme Garçon ! de Claude Sautet et le mélodrame espagnol Embrujo ou encore l'avant-première de The Go-Go Boys, sur l'histoire de la Cannon et de ses deux producteurs.

Mais s'il est un film à ne surtout pas louper dans la programmation, c'est le génial Wake in Fright de Ted Kotcheff (qui le présentera en personne). Tourné en Australie en 1971, le film part d'une anecdote réelle : pour s'assurer que les fonctionnaires de l'éducation nationale aillent exercer dans les coins les moins peuplés de l'outback, le gouvernement australien obligeait les nouveaux instituteurs à verser une caution qu'ils récupéreraient après quelques années de bons et loyaux services dans ces bleds désertiques. Le héros du film n'attend donc qu'une chose : le week-end pour retrouver sa copine à Sidney. Mais, victime d'une escroquerie qui le laisse sur la paille et le pousse à s'adonner à une nuit de beuverie, le voilà qui se réveille avec la gueule de bois, obligé de composer avec des autochtones particulièrement dégénérés dont le sport préféré est d'aller chasser le kangourou en pleine nuit — d'où une séquence démente qui ferait s'étrangler la protection animale aujourd'hui…

Hallucinant autant qu'halluciné, Wake in Fright frappe par son ambiance de cauchemar éveillé, comme du Polanski qui aurait remplacé l'acide par une gnole locale, où la chaleur et la poussière burinent les visages jusqu'à créer des tronches à la Jérôme Bosch. Parmi elles, l'immense Donald Pleasence, qui compose un véritable cinglé, aussi inquiétant que désopilant, plus proche de son personnage dans Cul-de-Sac que de ses rôles glaçants chez Carpenter. Wake in Fright est bien plus qu'une curiosité : un acte fondateur du cinéma australien moderne, miraculeusement sauvé de l'oubli il y a quatre ans de cela.

Christophe Chabert

Festival Lumière 2014
Jusqu'au 19 octobre


<< article précédent
La meilleure façon de marcher