L'amour à mort (ou presque)


Après un Swan Lake magnifique et unanimement ovationné, dans lequel elle revisitait Le Lac des cygnes façon black power, Dada Masilo, bondissante chorégraphe sud-africaine de vingt-neuf ans, a fait son retour cet automne à la Biennale de la danse de Lyon avec sa version de Carmen, reprise d'une création de 2009. Une Carmen libre et sensuelle, en robe rouge sang, pour qui les hommes se déchirent. Une Carmen moderne qui garde pourtant les traits que la culture populaire lui prête, grâce notamment à l'œuvre de Bizet : tout sauf lisse, à la fois bourreau et victime.

Carmen, sur scène, c'est Dada Masilo elle-même, à la présence magnétique, qu'elle incarne à la croisée des genres – le flamenco bien sûr (on est à Séville), le contemporain (elle est passée par l'école d'Anne Teresa de Keersmaecker) ou encore la danse zoulou (dans les tableaux de groupe). Elle explique : «Carmen parle de sexe, de manipulation, de douleur, d'ambition et de mort – ce dont le monde est vraiment fait. Donc, je ne veux pas être polie ou timide à propos de quoi que ce soit. Je suis aussi influencée par ce qui se passe autour de moi dans notre pays».

Suggestive et ludique, sa pièce renferme ainsi des passages rageurs bluffants, comme la scène où les femmes sortent de la manufacture de tabac et où apparaît l'héroïne, entonnant son célèbre air L'Amour est un oiseau rebelle ; ou encore la fin, tragique, où Dada Masilo change le destin de Carmen : elle ne finira certes pas morte, mais sera violentée sous nos yeux lors d'un tableau très dur, point d'orgue d'un spectacle chargé en émotions qui, s'il ne réédite pas le choc Swan Lake, demeure une très belle réussite.

Carmen
Au Théâtre de Villefranche, vendredi 17 et samedi 18 octobre

Aurélien Martinez


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