Rock 'n' Growl


«Growler is the new slacker» – autrement dit «grogner, la nouvelle façon de glander» – pourrait-on dire à l'écoute de ces groupes, dont les Growlers font partie, qui semblent dessiner paresseusement, avec l'acharnement de leur désinvolture, les contours d'une musique et d'une vie idéales, toujours un peu au ralenti, conjuguées au passé simple et passées au soleil. Grognant comme le fait l'endormi en se retournant dans son lit (ou sur la plage) comme pour vérifier qu'il est toujours en vie, entre rêve et semi-éveil. A Long Beach, il y a de quoi se retourner dans le sable, rouler vers le souvenir de ces beaux étés de la fin des années 60 où l'on n'était obligé de rien à part surfer, prendre des trucs et éventuellement en faire des chansons.

Pour Chinese Foutain, leur premier véritable album, les Growlers se sont permis d'éconduire Saint Dan Auerbach, producteur le plus courtisé de la place garage-blues (et même bien au-delà) parce que le résultat ne leur convenait guère. Le virage pop – pas violent, le virage – avait déjà été amorcé sur Not Psych !, il se confirme largement et à la coule. Au point que Brooks Nielsen – cette voix qui semble traîner un paquebot avec une ficelle – et sa bande osent même les débordements reggae – comme s'ils n'avaient pas eu la force de les retenir. On rigole mais il y a chez les Growlers une grande maîtrise. Il en faut pour savoir, avec autant de grâce et d'efficacité, étaler les registres de la sorte sans en avoir l'air. Et pour passer justement pour un grand paresseux sans pour autant avoir l'air d'un fumiste. Nuance essentielle.

Stéphane Duchêne

The Growlers
Au Marché Gare, jeudi 30 octobre


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