Bonjour tristesse


Tout est triste, rien n'est grave. Voilà à peu de chose près une définition de notre époque. Une double définition même : manière d'apprendre à relativiser ce qui va mal ou justement de pointer le relativisme ambiant, désensibilisant, dévitalisant. Denis Rivet a sûrement choisi entre ces deux options. Qu'il nous permette de croire que son album,  marqué du sceau d'une rupture qui reste à digérer, se balance dans cet entre-deux. L'attaque est d'ailleurs frontale : mur de guitares brûlantes parce que glaçantes (Autour du grand feu, Tu disais), écriture, comme toujours chez Rivet – le bien nommé ? – vissée à l'économie, cueillant à froid.

 

Après l'excellent EP Tout proches, Tout est triste, rien n'est grave montre un Denis Rivet qui a fait du chemin sans s'éloigner de ses proches (Mikaël Cointepas mais aussi Frédéric Bobin et Philippe Prohom, présents pour deux duos), ni de Tout ce qui [le] tient et que l'on retrouve ici amplifié. Etrange, d'ailleurs, cette propension à convoquer le "tout" sans cesse, comme on voudrait combler un vide, rassembler des parties qui ne tiennent plus ensemble. La question est posée sur Dis moi comment, comment aimer le nez dans le guidon : «si je veux toucher ta peau, je touche ta peau / Si je veux toucher tes yeux, je touche tes yeux / Si je veux toucher ta joue, je touche ta joue / Mais pour te toucher toi, mais pour te toucher toi / Dis moi comment, comment / Je ne sais plus comment, par quel mouvement / Du dehors, du dedans, je ne sais plus comment». Si rien n'est grave c'est que, toute chose prise séparément, jusqu'ici tout va bien. Mal mais bien. Cette dialectique, Denis Rivet la manie comme personne.

 

 

 

Stéphane Duchêne

Denis Rivet
Au Radiant jeudi 30 octobre
Tout est triste, rien n'est grave (Anthropoïde)


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