Erró : «Je suis un témoin de mon époque»

En amont de la rétrospective que lui consacre le MAC, Erró nous a reçu dans son atelier. L'occasion d'évoquer avec lui ses influences et sa méthode. Propos recueillis par Jean-Emmanuel Denave


Influences

Mes premières influences sont des dessins médiévaux illustrant les grandes sagas islandaises. La bande dessinée m'a ensuite beaucoup intéressée, avec sa ligne de contours extérieurs et ses aplats. Aujourd'hui elle m'intéresse moins que celle des années 1950 et 1960. Je ne lis jamais les textes et le bon dessin a un peu disparu de la BD actuelle. La BD française par exemple, est très intellectuelle et je trouve les comics américains beaucoup plus vivants. 

Procédés

Je constitue des stocks d'images très variées (d'un coucher de soleil au portrait photo d'un dictateur, par exemple), provenant de bandes dessinées, de photographies, de coupures de journaux, etc. Je réalise ensuite des collages que je projette, sous formes de reproductions diapositives, sur de grandes toiles pour composer mes tableaux. Tous mes tableaux, depuis un certain temps, sont réalisés à partir de collages. Je réalise quinze à vingt collages par jour, sans jugement, sans hiérarchie entre les différents types d'images. Plus tard, je vois ce que je peux garder ou non et je compose un tableau unique ou un polyptyque. L'idéal pour moi c'est d'avoir cinq ou six styles d'images différents dans un tableau.

Origines

J'ai commencé à découper des images en Israël en 1958 dans une revue industrielle où je trouvais de belles images d'usines qui ont donné les collages Méca-Make up. J'ai beaucoup travaillé aussi avec Roberto Matta : je mettais mes personnages dans ses espaces et inversement. Je suis flatté aussi du qualificatif d'artiste pop-baroque qu'on a pu m'attribuer, car j'aime beaucoup la période baroque, Rubens, le Tintoret... J'ai été fasciné aussi par l'expressionnisme allemand lors d'un voyage en Allemagne. Plus tard, j'ai découvert aussi les collages de Raoul Haussman.

Figuration narrative

A l'époque, raconter des histoires était une manière, pour nous peintres de la figuration narrative, de s'opposer au Pop Art. Dans les années 1970, on s'est par exemple penchés sur la guerre du Vietnam, Cuba, etc. Ceci dit, je dirais moins que j'étais un artiste engagé qu'un témoin de mon époque, comme je le reste aujourd'hui.


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