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En s'intéressant à la mobilisation des Lyonnais, la bibliothèque de la Part-Dieu rend l'un des plus touchants hommages aux victimes de la guerre de 14-18. A quelques jours du 11 novembre, voyage à l'arrière du front. Nadja Pobel


Pour commémorer la Première Guerre mondiale, les bibliothèques de Lyon – dont on ne répètera jamais à quel point le réseau qu'elles constituent est exceptionnel – ont uni leurs forces, essaimant sur toute la ville expositions, conférences (notamment sur les reporters de guerre le 29 novembre à la Part-Dieu) et concerts. L'acmé de ces manifestations se trouve bien sûr à la Part-Dieu où ce conflit mondial, comme au CHRD avec le second, est réexaminé à travers le prisme de Lyon.

Et il y a matière à raconter. Car dès avril 1915, le maire Edouard Herriot a constitué un "fonds de guerre" alors sans équivalent sur le territoire français, confiant au bibliothécaire Richard Cantinelli le soin de rassembler des écrits universitaires, industriels, diplomatiques ou de particuliers. Lesquels nourrissent la majeure partie de cette pléthorique exposition – et son impeccable catalogue.

La famille, cette patrie

On y apprend par exemple que, loin du front, s'est mise en place une production massive de munitions – essentiellement par les femmes, comme le prouvent des images d'une Halle Tony Garnier détournée de sa fonction première d'abattoir, tandis que les usines Berliet fabriquaient chars et camions de ravitaillement. Ailleurs, d'éclatantes affiches illustrent le devoir de patriotisme de ceux restés à l'arrière. L'une d'entre elles montre ainsi des enfants lorgnant une vitrine de confiserie délimitée par le slogan «nous saurons nous en priver». Manière de dire aussi que le conflit imprègnait toutes les strates de la société, conflit dont un salutaire panneau rappelle qu'il fit dix millions de morts et figure un décompte tragique des amputés – l'un de ces mutilés apparait sur un autochrome, clin d'œil discret aux Frères Lumière, créateurs du procédé et du tulle gras.

Conséquence de cette boucherie, la famille devint le socle le plus solide de la civilisation, au point que fleurirent des affiches encourageant la natalité et prodiguant des conseils vestimentaires pour que Madame affriole comme il se doit son soldat de mari. Lutter contre la tuberculose fut aussi un enjeu crucial, Lyon devenant une véritable ville-hôpital. Y furent notamment accueillies – et soignées, grâce au développement de la chirurgie maxillo-faciale par Albéric Pont – les gueules cassées, témoins emblématiques de cet épisode qui fit dire à Paul Valéry cette implacable vérité : «nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortels».

1914-1918 - Lyon sur tous les fronts !
A la bibliothèque de la Part-Dieu jusqu'au 5 février


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