Des images au balcon


Depuis la rentrée de septembre, nous traquons dans nos papiers l'étrange et passionnant devenir des images à travers certaines expositions. Images réinterrogées dans leur essence par Céline Duval à Vénissieux, images remixées et stratifiées à travers plusieurs médiums chez Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize à l'URDLA, collages et montages d'images jusqu'à la démence chez Erró au MAC...

Quelques spectacles récents nous ont saisi aussi par l'utilisation singulière des images dans leur mise en scène. C'est Pierrick Sorin, par exemple, qui en juin dernier à l'Opéra montrait la "fabrique artisanale" des images dans sa Flûte enchantée. C'est Philippe Vincent qui, aux Ateliers le mois dernier, fait circuler les spectateurs d'une salle de cinéma à… une salle de théâtre où l'on tourne en direct le film projeté (Rêves Kafka). C'est, enfin, la chorégraphe Michèle Noiret qui, dans Hors champ, parvient parfois à une fascinante confusion entre les corps dansants et les corps filmés... L'image ne cesse d'être un matériau de création autant qu'un terreau d'investigations et d'interrogations théorico-pratiques.

Edouard Manet, considéré comme l'une des figures clefs de la modernité artistique, a donné à l'image et à la représentation bien du fil à retordre, voire à distordre, inversant les rôles du regardeur et du regardé, de la perspective et de la planéité, de la représentation et de la présentation, etc. Son Balcon peint en 1868-1869 fait l'objet, dans le dernier numéro de la revue Hippocampe, de deux textes et d'un portfolio de photogrammes extraits d'une vidéo de Anne Sauser-Hall. Une œuvre de Manet où, selon Nina Léger, «en retournant le tableau sur lui-même, Manet ne révèle pas le mystère de la peinture, il ne dévoile pas ce qu'il y a dessous, il le désigne seulement et le condense dans les yeux noirs de cette femme, dans ce regard qui fait mur tout autant qu'il fait gouffre». Avec Manet, mais aussi avec Jean Epstein, avec Andreï Tarkovski et bien d'autres, la revue Hippocampe explore elle aussi le devenir et les métamorphoses des images.

Jean-Emmanuel Denave

Hippocampe numéro 11
Automne 2014, 135 pages, 14 euros


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