So what ?


C'est en voyant Brian Wilson jouer l'intégralité de Pet Sounds, l'album mythique des Beach Boys, que Peter Gabriel eut l'idée en 2011, au moment de la réédition de So, qui venait d'avoir 25 ans, de le rejouer en intégralité lors d'une tournée au long cours. Et pour ce faire de s'accompagner de fidèles parmi les fidèles, ceux-là qui avaient participé à son enregistrement et surtout à la tournée qui s'en était suivie : le guitariste David Rhodes, le claviériste David Sancious (le seul à n'avoir pas pris part aux sessions studios, mais pilier de la tournée), le bassiste et ancien de King Crimson Tony Levin et bien sûr Manu "Nouvelle Star" Katché. Plus deux jeunes chanteuses-choristes censées interpréter tous les rôles féminins émaillant la discographie de Gabriel.

Relire, triturer son œuvre, s'en moquer même, c'est l'une des grandes marottes de Peter Gabriel. D'où l'idée de ne pas se contenter du minimum syndical, en dépit d'un effectif musical réduit qui fait du "bruit" pour vingt. Le concept (visible sur un live filmé à l'O2 de Londres, disponible en DVD et Blu-ray) : une session semi-acoustique suivie d'une partie tournée vers l'expérimentation et l'électronique où le groupe – car on peut parler de groupe – panache le meilleur de Gabriel (une version démentielle de Secret World, sans doute le plus beau morceau d'Us), puis enfin So, joué dans son intégralité (Sledgehammer, In Your Eyes, Don't Give up, un Mercy Street interprèté allongé sur le dos). Le tout servi par des musiciens impressionnants – il faudra un jour admettre que Manu Katché est un batteur immense – à la complicité sans faille, un Peter Gabriel qui n'a rien perdu malgré les années de ses vibrantes qualités d'interprète et de cette voix northern soul légèrement voilée.

Le tout dans une scénographie fascinante reposant sur cinq catapultes armées chacune de trois projecteurs et d'une caméra, dirigées manuellement par des opérateurs masqués, et se baladant sur scène tels de grands animaux curieux et interactifs ou les tripodes flippants de La Guerre des Mondes. «Célébrer le passé, explorer le futur», ainsi que l'annonce Peter Gabriel, voilà le programme.

Stéphane Duchêne


<< article précédent
Peter Gabriel refait le grand So