Please, continue (Hamlet), ou quand le théâtre fait sa loi


«La justice n'est pas un jeu même si les apparences peuvent le laisser penser, comme si nos habits étaient des costumes» lance jeudi 20 novembre Me Ronald Gallo, avocat d'Hamlet, lors de son réquisitoire. Nous sommes pourtant au TNP, pas dans une cour d'assises. Mais en amenant la justice sur une scène, Yan Duyvendak et Roger Bernat ont rendu palpables les similitudes de ces deux arts oratoires, non sans prendre soin de les re-situer le plus clairement possible.

Les acteurs ont ainsi enfilé un t-shirt sur lequel est mentionné leur rôle, tandis que les autres personnes présentes (des avocats, un huissier, un juge et un expert psychiatre)ont reçu pour consigne d'incarner leur propre rôle sans en dévier. Un fait divers simple, hybride d'un vrai cas et du scénario shakespearien (un homme a tué le père de son ex-petite amie) sert alors d'appui à une forme inédite de pédagogie de la justice, domaine par essence public mais bien mal connu de ceux qui n'y ont pas affaire.

Please, continue (Hamlet) est aussi une loupe sur le caractère aléatoire que revêt un tel cérémonial. Tous les avocats et/ou présidents, souvent des pointures (quel bonheur de voir surgir Me Etienne Rigal, protagoniste de D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère !), n'ont pas travaillé leurs dossiers avec le même sérieux, toutes les facettes de l'accusé, de la victime (Polonius donc) et de la partie civile (Ophélie) ne sont pas abordées chaque soir, bref, toutes les représentations ne se valent pas.

Reste-t-il encore du théâtre ? Oui, il n'y a même que cela. Le procès est ici traversé par des comédiens incroyablement crédibles, habités par leur rôle ; ils sont la colonne vertébrale d'un drame ambigü dont il ressort que si la justice n'est pas une machine, ceux qui maîtrisent le verbe et la diction ont une longueur d'avance sur les balbutiements et l'air emprunté des appelés à la barre.

Please, continue (Hamlet) a enfin le mérite de faire sortir des murs des palais de justice ce constat implacable que rien n'est jamais acquis, puisque c'est l'intime conviction de huit jurés tirés au sort dans la salle qui fera la décision finale. Au cours des 99 représentions, Hamlet aura ainsi été acquitté 43 fois (en Allemagne notamment) et condamné 54 fois (surtout en Pologne, en Italie ou dans le sud de la France) pour des peines allant de 18 mois à 12 ans. Eloquant.

Please, continue (Hamlet)
Au TNP jusqu'au dimanche 30 novembre


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