Quand Rappeneau nous mène en château...


La Ciné-collection du GRAC aura fait un sans faute depuis la rentrée. Son film de décembre, La Vie de château, est une sorte d'apothéose joyeuse, ce bijou de comédie tourné en 1965 par Jean-Paul Rappeneau venant opportunément flanquer la honte à toutes les comédies françaises qui s'échouent telles des baleines ivres sur les écrans hivernaux. Il faut dire que Rappeneau avait su bien s'entourer : le grand (et récemment disparu) Daniel Boulanger aux dialogues, deux script doctors de luxe (Alain Cavalier et Claude Sautet, rien que ça) et des comédiens à l'énergie juvénile irrésistible : Catherine Deneuve, véritable stradivarius entre les mains du réalisateur, et Philippe Noiret, parfait de flegme bougon.

La force de ce vaudeville qui en dépoussière violemment la tradition, c'est de prendre pour cadre une époque qui ne prête pas à la poilade : 1944 et le débarquement sur les plages normandes. Mais l'action est vue entièrement depuis un château bourgeois en Normandie où un couple trompe son ennui en attendant, probablement, de se tromper l'un l'autre. Lui aime son confort campagnard, elle ne rêve que de "monter" à Paris. Et tandis qu'il fait contre mauvaise fortune bon cœur de l'occupation par les Allemands de son château, elle tombe sous le charme d'un résistant parachuté par mégarde derrière les lignes ennemies.

Rappeneau met tout au service d'un rythme endiablé, soignant les détails et peaufinant de manière maniaque sa mise en scène : la caméra balaie le décor avec virtuosité, accompagnant le ballet des acteurs, jubilant à l'écran d'interpréter une si belle partition. Dire que le film n'a pas pris une ride est un euphémisme : en le redécouvrant aujourd'hui, on est instantanément jaloux de sa formule magique.

Christophe Chabert

La Vie de château
De Jean-Paul Rappeneau (1965, Fr, 1h33) avec Catherine Deneuve, Philippe Noiret, Pierre Brasseur…
Dans les salles du GRAC jusqu'au 12 janvier


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