Des villes et des hommes


Des expositions, Luc et François Schuiten en ont connu des plus importantes, souvent en rapport avec leurs capacités respectives à repenser la ville (comme Lyon, dont un possible devenir organique fut présenté à La Sucrière en 2010) et à la remodeler (c'est le cas de Paris, en ce moment à la Cité de l'architecture et du patrimoine). Mais celle que propose la galerie Pallade a le double mérite de balayer un plus large spectre de leurs visions et, surtout, de les mettre en dialogue.

En marge de ses talents de paysagiste, appréciables sur un superbe panorama d'une Shanghai littéralement luxuriante, on (re)découvrira ainsi de Luc qu'il envisage les évolutions de la mobilité avec une fantaisie digne de Franquin. En témoigne notamment ce Velusome, tricycle aux courbes de feuille qu'on aperçoit d'abord en maquette puis au pied d'une Utopia City toute en verticalité et en anachronisme, et qui pourrait bien remplacer un jour le Twike (un véhicule électrique à pédales) dans le garage du chantre de l'archiborescence.

La section dédiée à son cadet n'est pas moins variée, bien que le pan le plus "concret" de son œuvre, de ses scénographies de pavillons d'expo universelle à ses aménagements monumentaux (en tête la très steampunk station de métro Arts et Métiers), ne soit présenté. On s'attardera en particulier sur Le Palais de justice, extrait des Cités obscures éclairant son sens du sampling architectural, et sur le diptyque La Cité des femmes / A portée de main, skylines statuaires qui rappellent ses illustrations pour les vertigineux romans-mondes de Jacques Abeille.

Élégance du trait, altesse des perspectives, diversité des techniques (pastel, aquarelle, encre de chine...), dans les deux cas, c'est d'abord la facture qui impressionne. C'est ensuite et surtout la façon dont les deux artistes y font de leur humanisme le terreau d'histoires, furent-elles des prédictions ou des fictions. S'ils sont des bâtisseurs, Luc et François Schuiten le sont avant tout d'espaces narratifs, à l'instar du Corbusier. A nous de les peupler.

Luc et François Schuiten
A la galerie Pallade jusqu'au 24 janvier


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Luc et François Schuiten : «On ne donne pas aux gosses le goût de vivre en 2040»