Dominic Palandri : doux, dur et dingue

Vieux routier des planches (et des guitares) au physique de grizzli et au caractère d'ours en peluche, Dominic Palandri s'essaye avec "New York Paradis", sa dernière mise en scène, à une forme de théâtre plus conventionnelle. A moins qu'il ne s'agisse d'une forme de café-théâtre moins conventionnelle ? Benjamin Mialot


«Après les représentations, on me demande souvent si j'ai fait de la prison» confesse, amusé, Dominic Palandri. Gueule de cinéma et dégaine de biker prêt à vous casser une queue de billard sur le sinciput au premier raccroc, le bonhomme dégage en effet le genre de présence qui vous cause des sueurs nocturnes en plein jour. Surtout pour qui ne connaît de lui que le hitman en cavale de Ta gueule ! et l'arbitre radié pour brutalités de Carton rouge, les personnages de brutes épaisses que son vieil ami Jacques Chambon lui a taillés sur mesure.

En vrai, Dominic Palandri est un un chic type et l'un des comédiens les moins unidimensionnels du circuit du café-théâtre. Sans doute parce qu'il n'en est pas un pur produit : «A l'origine je voulais être batteur. Quand j'ai fait mes premiers concerts, je me suis rendu compte que je voulais être le mec devant. J'ai donc commencé à chanter. Et là, je me suis dit : "pour gagner en confiance, je dois faire du théâtre". Je ne sais pas pourquoi j'ai eu cette idée. Ça m'a paru évident». C'était il y a une grosse vingtaine d'années.

Son côté punk

Depuis cette intuition, Dominic Palandri a touché à tout : au one-man-show à deux reprises, dans une veine de «gentil couillon» proto-Frank Dubosc, au two-men-show (Les Louzeurs avec Thierry Rousset, «de formidables années d'insouciance»), à la mise en scène (avec L'Amour est une dure lutte et Apéro thérapie), aux castings («On me dit toujours que c'est super mais on me prend jamais, je dois avoir trop de personnalité (rires)») et bien sûr à la musique, jardin personnel aux haies taillées comme les cheveux de Bashung qu'il cultive avec le soutien de Philippe Prohom – son prochain disque en son seul nom de famille ne devrait plus tarder. A chaque fois avec un souci du verbe hérités du «choc» que fut sa découverte des grands textes du théâtre dit classique – il dit avoir adoré joué Scapin et aurait sans doute été très convaincant dans la détonante adaptation des Fourberies de Laurent Brethome – au point d'avoir laissé en friche son deuxième solo, le très littéraire Dominic Palandri is not dead mais presque, parce qu'il ne trouvait pas le temps de le faire sonner naturellement.

En attendant de réconcilier ses deux marottes – il a repris l'écriture de sa toute première pièce, sur un groupe de rock – c'est au service d'une mystérieuse et audacieuse conversation fragmentée entre deux costards-cravates (Lionel Buisson et Maxime Jullia) qu'il met ce perfectionnisme : «Je ne peux pas en dire plus sans gâcher la surprise, si ce n'est que je l'ai écrite avec une très grande liberté intellectuelle. Auparavant, j'écrivais avec un objectif : faire rire, jouer dans un certain réseau... Je me mettais donc des contraintes de pêche, de festivité, de bonne humeur... Cette fois je m'en suis foutu et je me suis dit "tant pis si personne n'aime le spectacle et qu'il ne sert à rien". Après tout, ça fait partie du travail de l'artiste de faire des choses inutiles. Et celle-ci me tient particulièrement à cœur». Voilà bien Dominic Palandri : un grand punk sentimental.

New York Paradis
Du jeudi 18 décembre au mercredi 31 décembre à la Maison de Guignol


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