Jeux sans je


Raymond Grandjean (1929-2006), beaucoup le connaissent sans le savoir à travers sa grande peinture décorant la station de métro Gratte-Ciel depuis 1978 : sur un fond bleu, le peintre a distribué avec précision de petits et grands triangles ainsi que quelques cercles, comme sur le plateau d'un jeu de société inconnu. Ou sur une partition de musique aux rythmes et à la graphie singuliers.

Après avoir travaillé la matière dans des œuvres déjà abstraites, l'artiste lyonnais se lance au début des années 1960 dans une série de tableaux aux motifs et aux espaces purement géométriques. Ses éléments sont très peu nombreux (triangles en solo ou reliés en duos, disques ou demi-disques de couleur, lignes droites...) mais leurs variations sont infinies, Raymond Grandjean jouant sur les différences chromatiques, la place allouée au vide, les différences d'échelles, quelques effets de perspective... Son univers, proche parfois de celui de Paul Klee ou de celui de Miro, est tout à la fois joyeusement enfantin, désespérément solitaire, subtilement émouvant.

L'exposition qui lui est consacrée se focalise beaucoup sur cette partie centrale de son œuvre, tout en faisant quelques crochets vers ses parenthèses pop et surréaliste, ou encore vers ce curieux retour à la figuration entre 1985 et 1990. Le peintre représente alors des façades de sa propre rue à travers de petites toiles où, rarement, le silence et l'absence humaine auront été aussi "assourdissants".

Jean-Emmanuel Denave

Raymond Grandjean
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 30 mars


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