Un coin de paradis perdu


«C'est sans doute là le plus grand accomplissement de Perc, bien qu'il se défende de tout volontarisme : d'avoir rendu à un genre devenu un simple palliatif sa puissance contestataire» écrivions-nous l'automne dernier en conclusion d'un article consacré au label Perc Trax. Quand on le questionne sur ses accointances avec cette institution londonienne de la techno – il a publié un maxi chez elle tandis que Perc et les siens jouent comme à domicile dans les soirées In Paradisum – Mondkopf ne dit pas autre chose, vantant les mérites d'un label qui a su lui rendre goût à une musique en mal «de messages, bien que je ne sois pas forcément pour la musique à message, disons d'esthétiques fortes». Si bien qu'avant de céder aux sirènes hurlantes du blast beat, il avait envisagé son disque à manipuler avec une extrême précaution comme un retour aux origines industrielles de la musique qui rythme ses DJ sets.

Cette tendance à forer les tripes à la recherche de troubles à raffiner en histoires sonores, le reste du roster d'In Paradisum la partage : des épopées sur fond de crissements, râles d'outre-tombe et rythmes galériens de Somaticae, qui rivalisent de jusqu'au-boutisme et de puissance mythologique avec celles de Mondkopf lui-même – comme par hasard, son premier album s'intitule Catharsis, il en donnera d'ailleurs un aperçu au Terminal – aux rêves de machines carburant au whisky du jeune surdoué Qoso – les morceaux de son EP Jura portent tous les nom d'une distillerie écossaise – en passant par les collages anxiogènes de Low Jack, aux airs de field recordings du chaos urbain, tout est question d'impulsion et d'évocation dans cette approche de la techno. Et c'est sans doute là le plus grand accomplissement de Mondkopf et Guillaume Heuguet, bien qu'ils se défendent de tout volontarisme : d'avoir rendu à un genre devenu un simple palliatif sa puissance poétique.

Benjamin Mialot


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Mondkopf - Hadès