Les chariots de glace

À peine ouvert, le Musée des Confluences franchit la barre des 100 000 visiteurs et embraye sur sa troisième expo temporaire, consacrée à la conquête du Pôle Sud, racontée comme une haletante compétition sportive. Nadja Pobel


Alors que se prolongent la très érudite mise en valeur des Trésors d'Emile Guimet et l'époustouflante Chambre des merveilles, le Musée des Confluences reçoit pour sa troisième exposition temporaire un projet qu'il a coproduit et déjà présenté à l'American Museum of Natural History de New York ainsi qu'au Royal BC Museum de Victoria (Canada) : un récit des folles équipées parallèles et concurrentes de Norvégiens et Britanniques en direction du Pôle Sud entre 1911 et 1912. Et pour une fois, on ne vous dira pas qui gagne à la fin.

Déambulatoire et chronologique, avec de grandes maquettes réalisées à partir de précieuses photographies d'époque, le parcours est quasi immersif. On y voit d'abord les aventuriers se préparer comme des grands champions. Chacune des équipes élabore minutieusement son voyage, en bateau d'abord, pour rejoindre l'Antarctique, puis à pied avec un groupe plus réduit le long d'une marche sur près de 3000 km aller-retour jusqu'au Pôle Sud : 16 hommes, 24 chiens,  des poneys, 14 traineaux dont deux motorisés côté anglais, cinq «solides gaillards», 52 chiens, 4 traineaux côté norvégien où, contrairement aux Britanniques, la mission ne revêt pas de caractère scientifique. Tout différencie les deux camps : les Anglais optent pour des vêtements en laine, les Norvégiens pour de la fourrure, plus chaude, et tandis que Robert Scott amène une maison en bois en kit – qui existe toujours – sur son camp de base de la banquise de Ross, les Scandinaves, menés par Roald Amundsen, créent un village sous la glace et même un sauna pour rester détendus avec de l'eau chauffée par deux réchauds à huile !.

Manchots

Au-delà de sa dimension sportive, l'exposition présente aussi un captivant aspect hollywoodien, à la fois à travers la présentation d'équipements rares (les jumelles d'Amundsen ou un psychomètre à crécelle pour faire des relevés de températures) mais aussi via des lettres et témoignages légués par ces explorateurs qui durent se résoudre à tuer des chiens exténués pour se nourrir («nous avions fini par les aimer» regrette le leader norvégien). Héros de leur état, ces hommes ont ouvert une voie que bien d'autres ont empruntée depuis, à l'instar de Paul-Emile Victor ou Jean-Loup Etienne, pour ne citer que des Français – la France possède d'ailleurs une tranche d'Arctique, la Terre-Adélie, qui comme le reste du pôle, ne peut être exploitée pour d'autres motifs que la recherche. En fin de parcours, les photos contemporaines de Thomas Jouanneau expliquent comment les chercheurs se sont installés depuis et une carte interactive détaille phénomènes climatiques extrêmes (comme les terribles vents catabatiques) et reliefs hors-normes (dont des lacs enfouis sous une glace d'une profondeur moyenne de 1800 mètres). L'exploit des pionniers n'en est que plus impressionnant.

À la conquête du pôle Sud
Au Musée des Confluences jusqu'au 28 juin


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