Pour le plaisir

Avec "It's a pleasure", son dernier album, la démarche (faussement) coolissime de Baxter Dury ne varie gu-re depuis le gros succès d'estime de "Happy Soup" : elle reste souple, chaloupée et juste ce qu'il faut de tubesque. Démonstration le 6 mars à Feyzin. Stéphane Duchêne


Il fallait être à son concert de décembre 2011 à l'Epicerie Moderne pour mesurer le pouvoir d'attraction et de séduction un peu j'men-foutiste de Baxter Dury. Et ses qualités de showman aussi. C'était l'époque Happy Soup, celle de la re(co)naissance – Dury ayant publié dans la décennie précédente deux formidables albums que presque personne ne prit le temps d'écouter –, Baxter, fils de Ian, s'était mis à dérouler une sorte de démarche un peu schlass (sans doute contractée pendant 6 ans de traversée du désert pieds nus), de classe fatiguée et marmonnée, sur des chansons pour la plupart tubesques sans en avoir conscience car par avance trop fatiguées pour le succès.

Et ce fut pourtant le succès qui l'emporta, sans doute de par la torpeur irrésistible dans laquelle Dury venait de plonger tout le monde, confisquant ainsi la force nécessaire à toute tentative de l'ignorer. En France surtout, où son charme cockney fait so élégamment british qu'on en connaît qui tartineraient volontiers du lemon curd sur son torse couleur crumpet.

A côté de ses pompes

Au premier abord, on pourrait voir en It's a Pleasure, quatrième essai, une sorte d'Happy Soup volume 2. On y retrouve cette même langueur jamais monotone, ces rythmes cheap et chaloupés, ces nappes de synthé piquées de ritournelles obsédantes, ces voix de James Bond girls abandonnées venues caresser l'ensemble pour la (les) forme(s). Quelque chose qui oscille entre le choix esthétique résolu (un minimalisme berlinois, le NYC des années 80) et la contrainte («t'as plus de batteur ? Ben prends une boîte à rythmes, mec»).

Mais surtout il y a quelque chose chez Dury qui ne laisse pas de fasciner, c'est sa manière d'aborder des sujets problématiques quant au fait d'être un homme à côté de ses pompes, et de le faire à la fois sans pudeur mais avec, si ce n'est du détachement, du moins un refus de l'affectation.

Or c'est exactement ce que produit sa musique : en dépit du caractère parfois hypnotique de certaines de ses miniatures pop, on reste toujours un peu en dehors pour écouter le récit et profiter du spectacle. Un privilège que Dury nous offre en guise de politesse ultime du gentleman grâce une arme ultime d'invention anglaise : l'ironie, dont il use de la seule manière possible, avec la plus grande classe. Comme quand, dans Libé daté du 21 octobre 2014, il déclarait : «L'ironie ne peut qu'être accidentelle ; conçue comme de la comédie, elle déséquilibre les chansons.» Voici Baxter Dury, un équilibriste en quête d'accident. Sans gravité.

Baxter Dury [+ Bruno]
A l'Épicerie Moderne vendredi 6 mars


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