Pour la peau


«Tu viens d'où ?». Cette question fondamentale tombe d'entrée de jeu comme une accusation. Dans une cour de récré, des gosses, ombres chinoises derrière un paravent d'écrans, invectivent Mamadou, nouveau venu à l'école. «Du 9-3» répond-il ; «oui mais avant ? - Du ventre de ma mère comme vous tous, voilà». La différence de Mamadou pose un problème à ce groupe supposé blanc bien qu'invisible durant toute la pièce. Et même si parfois les remarques sont positives à son égard, comme celle de sa maîtresse lui demandant de parler de sa culture, elles sont une blessure pour ce gamin qui veut juste passer inaperçu.

Même les chevaliers tombent dans l'oubli est le résultat d'une commande passée à l'auteur togolais Gustave Akakpo par le Conseil Général de Seine-Saint-Denis, ce fameux département du 9-3, et a été la première pièce jeune public présentée dans le In du festival d'Avignon, l'été dernier, grâce à la volonté appréciable de son nouveau directeur Olivier Py de parler aussi aux plus jeunes (dès 8 ans ici).

Mais le texte, et plus encore sa transposition, sont à mille lieues d'un exercice de style pédagogique, ne serait-ce que parce que le jeune metteur en scène Matthieu Roy a si bien intégré la vidéo à son spectacle que les êtres de chairs y sont parfois eux aussi des silhouettes comme les autres. Dans un dispositif complexe, laissant apparaitre une nuée de personnages secondaires (les mères, les profs, les élèves), lui et ses trois comédiens, dont deux sont béninois, parviennent toutefois, à force de dialogues slamés et de mues répétées, tels des insectes quittant leur peau, à ramener l'humain au centre et gommer des couleurs qui, de toutes façon, sur le plateau, sont réduites à une variation de gris.

Même les chevaliers tombent dans l'oubli
Au Théâtre Théo Argence mardi 10 mars


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Écrans Mixtes se fait un Grec