Par les lueurs


Il faut une sacrée dose d'audace et de foi en la parole pour mettre en scène un texte pareil. Sarah Seignobosc n'a pourtant pas reculé devant l'obstacle que constitue a priori Sodome ma douce, monologue de Laurent Gaudé qu'elle a découvert dans la bouche de la comédienne Dominique Blanc, qui s'y connait en paroles indicibles – elle avait merveilleusement donné corps à La Douleur de Duras.

La ville de Sodome est promise à l'anéantissement par l'arrivée annoncée d'un peuple combattant. L'attente se chuchote via la petite voix de Lucie Donet, calée en fond de scène à cour, derrière des voiles. Cela ressemble presque à une berceuse, ou plutôt une histoire un peu effrayante qu'on nous lirait au bord du lit. Les roulements du tonnerre et la pénombre accentuent cette double impression d'inquiétude et d'abandon. Pourtant, c'est bien d'horreur qu'il est question, d'un peuple décimé et d'une survivante qui réclame d'être éliminée mais sera enterrée vivante dans du sel, supplice ultime.

C'est à peine recevable tant c'est déchirant, mais Sarah Seignobosc a su, à ce moment précis où la protagoniste est seule rescapée, ne pas tomber dans le spectaculaire ; son actrice garde sa petite voix et la puissance du récit en est d'autant plus forte, pour peu que le spectateur accepte ce dispositif minimaliste (mais pas simpliste du tout) qui ne le prend pas par la main.

La metteur en scène poursuit ainsi un travail de l'intime qu'elle avait notamment déjà abordé avec Mais tous les ciels sont beaux d'Hervé Guibert, pièce dans laquelle un jeune acteur qui a fait du chemin depuis, Vincent Dedienne, tenait le rôle central. Avec Sodome, ma douce, elle fait preuve d'une rare humilité mêlée de conviction.

Nadja Pobel

Sodome, ma douce
Aux Clochards Célestes jusqu'au jeudi 19 mars


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