C'est du propre

Après la romance gay, le musical à caractère pornographique et le thriller, Jocelyn Flipo s'essaye avec Sale Mentor à une nouvelle hybridation entre comédie et cinéma de genre. Et ne déçoit pas, à quelques déséquilibres de rodage près. Benjamin Mialot


Ça commence comme Couic, la précédente pièce de Jocelyn Flipo. Dans une cave. Celle de Jean-Jacques Serzac, écrivain hypocondriaque qui, comme dans la chanson de Marcel & son orchestre, se retrouve le mental en vrac au premier petit couac. Un mal de tête ? Sans doute une rupture d'anévrisme. Un point de côté ? C'est une tumeur qui lui comprime le poumon. Une poussée de stress ? La crise cardiaque n'est pas loin.

Pour ne pas courir de risques infectieux supplémentaires, il a choisi de vivre reclus, dans une panic room crasseuse et totalement déconnectée du monde où il tente tant bien que mal d'entretenir sa légende. Car Jean-Jacques (Yann Guillarme, dans un des numéros moliéresques dont il a le secret) est l'auteur des aventures de Tom Morgan, qui sont à la littérature érotique ce que sont, de l'autre côté du quatrième mur, celles d'Harry Potter au roman pour ado.

Seulement Jean-Jacques a de l'arthrite, il lui faut un nègre. Ce sera Léo, un jeune éphèbe qui connaît par cœur la saga (Léo Tasserit, comme échappé d'une aventure super-héroïque en milieu lycéen, mettons le trop méconnu Kaboom de Jeph Loeb et Jeff Matsuda).

Mentor, vous avez dit mentor ?

Ça se poursuit comme Couic : par un twist une fois de plus très audacieux, qui ici fait basculer la pièce de la comédie à faire-valoir (clown blanc, auguste et tutti quanti) dans l'horreur psychologique façon Stephen King – on pense très fort à la nouvelle Vue imprenable sur jardin secret. Mais Sale mentor n'est pour l'heure pas tout à fait aussi réussi que Couic.

Peut-être parce qu'on commence à bien connaître la méthode Flipo, dans ses bonnes habitudes (l'utilisation optimale de l'espace de jeu, le montage cinématographique) comme dans ses mauvaises manies (les références pop gratuites, les dénouements interminables).

Plus certainement parce que cette variation sur le mythe vampirique s'exprime jusque dans son casting : face à un Yann Guillarme comme à son habitude larger-than-life en survivaliste paranoïaque au dernier degré – sa tirade sur la double porosité virale des ordinateurs mériterait d'être enseignée au bac de français – Léo Tasserit, malgré un engagement physique qui force l'admiration, peine à faire exister son personnage de fanboy aux sourires étrangement démoniaques – au contraire, comparaison inévitable, d'un Alex Ramirès, dont on sait avec quel naturel il s'empare de ce genre de rôle tout en contorsions.

Reste que, justement, on connaît la méthode Flipo, basée sur un work in progress rythmique et narratif permanent. Aussi a-t-on la certitude qu'au moment où vous lirez ces lignes, Sale mentor n'aura déjà plus rien de perfectible.

Sale mentor
Au Boui Boui jusqu'au 11 avril


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