A taille humaine

Fort d'un solide casting de nouvelles têtes (Wouajdi Mouawad, Dominique Pitoiset, Jeanne Candel...) et d'habitués (Olivier Py, Laurent Pelly, David Marton...) et fidèle à sa volonté de donner à voir à la fois la modernité du répertoire et la vitalité de la création contemporaine, l'Opéra de Lyon placera sa saison 2015/2016 sous le signe de l'humanisme. Benjamin Mialot


La présentation de la saison 2015-2016 de l'Opéra de Lyon a débuté par une confirmation : celle de la nomination de Daniele Rustioni en tant chef permanent. D'ici sa prise de fonction en septembre 2017, le jeune prodige italien de 32 ans dirigera notamment La Juive, fastueuse romance inter-religieuse qui valut à Jacques Fromental Halévy les louanges de Wagner, sur une mise en scène d'Olivier Py.

Une production d'autant plus symbolique qu'elle s'inscrira dans le traditionnel festival de l'Opéra (fin mars et début avril 2016), dédié cette fois à l'Humanité, journal emblématique... Ah non. D'après nos notes, il présentera en fait des œuvres disant la nécessité de lutter contre les intégrismes, dont une création mondiale : Benjamin, dernière nuit, un biopic du génie tourmenté Walter Benjamin (en partenariat avec la Biennale Musiques en scène, avec l'écrivain Régis Debray au livret, Bernhard Kontarsky à la direction et John Fulljames à la mise en scène).

Un double programme mettant en lumière des compositeurs passés par le ghetto de Terezin – celui-là même que le CHRD raconte en dessins en ce moment – à savoir Hans Krasa (Brundibar à la Croix-Rousse, direction Karine Locatelli et mise en scène de Jeanne Candel, co-signataire du Crocodile trompeur la saison passée) et Viktor Ullmann (L'Empereur d'Atlantis au TNP, direction Vincent Renaud et mise en scène de Richard Brunel, actuel directeur de la Comédie de Valence) complètent l'événement.

Liberté, ils chanteront ton nom

Le prédécesseur de Rustioni, Kazushi Ono, ne sera évidemment pas en reste. Il ouvrira d'abord la saison, placée d'une manière générale sous le signe de la liberté, en octobre avec la très ambitieuse Damnation de Faust de Berlioz, en collaboration avec Philippe Forget et sur une mise en scène de David Marton (en ce moment à l'affiche du festival des Jardins Mystérieux avec Orphée et Eurydice), avant de s'atteler fin janvier début février à l'anti-tsariste Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch (sur une mise en scène de Dimitri Tcherniakov).

Forget, de son côté, dirigera également une œuvre contemporaine, L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, étonnant opéra clinique de Michael Nyman (il y est question de la maladie d'Alzheimer) qu'habillera Dominique Pitoiset – auteur en 2013 d'une formidable relecture médicale de Cyrano de Bergerac avec Philippe Torreton dans le rôle titre. Ce sera en novembre à la Croix-Rousse.

En parlant de la Croix-Rousse, Jean Lacornerie retournera à ses fanfreluches avec un Offenbach (à domicile en décembre), Mesdames de la halle (direction Nicholas Jenkins), en même temps que le maître incontesté de l'exercice, Laurent Pelly, qui après Les Contes d'Hoffmann et tant d'autres s'attaquera pour les fêtes de fin d'année au Roi Carotte (direction de Victor Aviat).

C'est enfin à un "débutant" que reviendra l'honneur de clore la saison : le grand symboliste Wajdi Mouawad, qui avec L'Enlèvement au sérail de Mozart (fin juin début juillet, avec Stefano Montanari à la baguette), qui n'avait pas été donné à Lyon depuis une trentaine d'années, mettra en scène son premier opéra – un mois après un Iolanta / Perséphone, un face-à-face en clair-obscur Tchaïkovski / Stravinski concocté par le chef Teodor Currentzis et Peter Sellars.

Du ballet !

Passons rapidement sur les concerts purs (des récitals d'Anna Caterina Antonacci, Sabine Devieilhe, Nathalie Dessay et Ian Bostridge, un énième retour d'Emmanuel Krivine pour des symphonies de Beethoven et Schubert, le Zelmira de Rossini pour le traditionnel opéra à l'aveugle, tout un cycle de musique de chambre...) pour terminer sur une note dansée.

Le Ballet de l'Opéra de Lyon fera dans l'historique à deux reprises, avec un programme consacré au néoclassicisme à la française (en novembre avec Carmen et L'Arlésienne, deux bizeteries de Roland Petit) et un autre au minimalisme américain (en avril avec Winterbranch de Merce Cunningham sur une musique de LaMonte Young et,  surtout Dance, le chef-d'œuvre géométrique de Lucinda Childs sur une musique de Philipp Glass).

Á part ça, la petite troupe de Yorgos Loukos rendra hommage en début de saison à l'un de ses plus proches compagnons, l'hypersensible Jiří Kylián, en reprenant Bella Figura et Heart's Labyrinth, non sans y ajouter l'inédit 27'52'', avant de s'exporter au Toboggan pour un triple focus sur des jeunes chorégraphes dans le vent : Sunshine de la coqueluche Emmanuel Gat, Tout autour de Rachid Ouramdane et une création pour l'instant sans titre de Tânia Carvalho, l'une des révélations de la dernière Biennale de la danse.

Autant de spectacles que nous vous inviterons bien sûr à découvrir via notre Brigade.


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