Des attractions désastres

"Désastre, chaos et réalité", ce sera le thème plus réjouissant qu'il n'y paraît de la rencontre qui se tiendra à la Villa Gillet mardi 31 mars en compagnie d'Emmanuelle Bayamack-Tam, Loïc Merle et Jean-Noël Orengo, autour de trois romans forts, entropiques et incroyablement vivants. Stéphane Duchêne


On dit souvent – et c'est malheureusement trop souvent vrai – que la réalité dépasse la fiction. Mais que quand cette-même fiction s'empare de la réalité dans ce qu'elle a de plus chaotique ce peut-être aussi beau que violent. Comme une loupe aveuglante plaquée sur notre monde, nous le rendant à la fois insupportable – ne l'est-il pas déjà trop souvent ? – mais surtout fascinant. Et soudain éclairé. En partie du moins.

C'est l'un des points commun que l'on peut trouver aux romans Je viens d'Emmanuelle Bayamack-Tam (qui reconvoque pour l'occasion l'un de ses personnages favoris, Charonne, à la fois guerrière et bouc émissaire du monde), Seul, invaincu, deuxième roman tendu, serré du lyonnais Loïc Merle et La Fleur de Pattaya de Jean-Noël Orengo, récits d'existence voués à l'entropie d'une réalité rarement arrangeante.

Dans ce dernier roman, La Fleur du Capital, on part à Pattaya, capitale mondiale de la prostitution et de la fête – et si l'on y part, on y reste, ou du moins y laisse-t-on une partie de soi – pour changer sa vie et transformer son monde, selon le mot d'ordre de Breton, fusionné de Marx et Rimbaud.

Une porte vers autre chose

Dans ces trois romans on est, y compris dans le Loïc Merle, Seul, invaincu – dont l'un des personnages principaux est atteint d'un cancer qui fait revenir le héros du livre, son ami Charles, militaire, au bercail – paradoxalement moins en guerre contre la mort que contre la vie et ses perpétuels malentendus. Vie qu'il faudrait parvenir, à cause où grâce à un événement, à cause d'un lieu donné ou d'un personnage, à tordre dans un autre sens. A, comme le dit Jean-Noël Orengo, « prendre une porte vers autre chose » que le monde ne nous aurait pas donné ou que l'on aurait simplement oublié de prendre, trop chargé d'existence pour vivre vraiment.

En somme, refaire de sa vie sa propre fiction. Vivre ce qu'est au fond Pattaya selon Jean-Noël Orengo : « une fiction vécue », que ce soit comme Charonne, héroïne jamais à sa place de Je Viens en inventant la vie qu'on lui refuse et en soulignant les différences qui la marginalisent ou comme Charles dans Seul, invaincu, en s'apercevant de la nécessité de guérir de la maladie de son ami, voire de la maladie qu'est son ami. Ou au contraire comme le font tant de gens pour lui, tout lui abandonner. Et s'abandonner avec. Faire sien le désastre pour mieux vivre avec, mais vivre comme on l'a choisi.

"Désastre, chaos et réalité"
Á la Villa Gillet mardi 31 mars


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