A boire et à danser

Plus versatile que jamais, le festival Reperkusound fête son dixième anniversaire avec quelques invités de marque et des créations originales. Benjamin Mialot


On a pas mal pesté contre l'inadéquation entre l'identité visuelle des Nuits de Fourvière 2015 – des photos du Burning Man, grand-messe de la liberté individuelle, de l'autosuffisance et de la création indie qui investit chaque été le désert du Nevada – et leur programmation. Mais au moins est-elle à l'avantage du dernier jouet de la Métropole.

Le cas du festival Reperkusound est plus problématique : les collages techno-animaliers qui ornent ses supports de communication, comme surgis d'un temps où le leet speak (pardon, le 1337 5|*34|<) était la dernière mode, laissent entendre qu'il ne s'adresse qu'aux teufeurs à poil long non toilettés et/ou aux ressortissants de Doucheville – là où le soleil brille si fort qu'il faut aussi porter des verres protecteurs en intérieur.

Or s'il y a pas mal de ça (autrement dit de la trance, du dubstep et de l'electro house, entre autres musiques trop souvent cabotines), Reperkusound a toujours eu la qualité de son défaut : une volonté affirmée de faire entendre la chose électronique dans son acception la plus large possible.

La preuve par dix

C'est particulièrement vrai pour sa dixième édition, qui battra notamment au rythme de la house à l'élasticité typiquement 90's de Dusky, de la pop kaléidoscopique de l'entertainer Rich Aucoin, de la cumbia canaille de Ya Legros, de la black music pour blancs-becs des exubérants dOP et, côté local, de la new wave moulée dans du lycra de Caspian Pool.

Et puisqu'on parle d'affiche, un mot sur ceux qui en seront les têtes. Outre Noisia, trio néérlandais qui depuis le début des années 2000 produit de la drum'n'bass comme on actionne un boulet de démolition, Reperkusound recevra trois figures emblématiques de la révolution électronique.

Primo Amon Tobin, jazzman 2.0 – sur ses premiers albums, il rétro-concevait le genre en des chefs-d'œuvre d'abstraction polyrythmique – devenu au fil de sa longue carrière l'inventeur d'une sorte de musique concrète du futur – par le recours exclusif à des field recordings. Deuxio Nightmares on Wax, autre grand enfant de la culture vinyle, qui contribua de son côté à la définition du son Warp en recombinant les sons afro-américains en d'irrésistibles déclarations d'amour enflammées (et enfumées) au groove. Et enfin Étienne de Crécy, sans doute le représentant le plus effacé de ce qu'on appela la French Touch, qui viendra présenter le troisième volume de Super Discount, ce projet collaboratif et ludique qui le voit chaque décennie remettre à zéro les compteurs du spleen binaire (dans tous les sens du terme).

Mais la vraie surprise de cette édition est ailleurs. Sous notre nez en fait, puisqu'il s'agit du baptême du Flynimalerie Orchestra, soit la réunion scénique de l'as des platines DJ Fly, de deux des MCs les plus affamés du collectif L'Animalerie (Anton Serra et Lucio Bukowski) et d'un quatuor de musiciens a priori inaccordables (un violoncelliste, un violoniste, un beatmaker et un guitariste). Comme une cerise sur le gloubi-boulga.

Reperkusound
Au Double Mixte du vendredi 3 au dimanche 5 avril


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