Bresson et Lumière


On mesure souvent l'importance d'un cinéaste au nombre de ses congénères qui se sont revendiqués de lui ; dans le cas de Robert Bresson, la liste semble ne jamais pouvoir être close, le "bressonisme" étant devenu un des écueils du cinéma d'auteur mondial. Certes, il a connu des mutations — en Autriche du côté d'Haneke, en Finlande avec Kaurismaki… — qui ont elles-mêmes donné naissance à une troisième génération de cinéastes bressoniens, encore plus affranchis des dogmes du maître. Mais comme dans l'histoire de l'art hegelienne, le canon bressonien est en constante évolution vers une synthèse encore à venir…

En attendant, l'Institut Lumière et le vénérable Jean Douchet proposent de revenir aux sources de Bresson avec un week-end et quatre films. Pas de risque : plutôt que de s'aventurer vers les discutables Le Diable probablement ou L'Argent, ce sont bien les quatre classiques du cinéaste qui seront montrés aux spectateurs : Pickpocket, Le Procès de Jeanne d'Arc, Mouchette et Un condamné à mort s'est échappé.

Quatre films majeurs et foudroyants qui mettent aussi à mal certaines idées reçues concernant Bresson : si l'austérité de sa mise en scène, avec son objectif unique — le plus proche de la vision humaine — et ses acteurs poussés vers une diction blanche et atonale n'est pas une légende, ces quatre films n'ont rien de cérébral pour autant. Dans Pickpocket, l'action a autant d'importance que les dialogues, tout comme les silences étaient plus puissants que les rares paroles dans Un condamné à mort s'est échappé. Et il est quasi impossible de ne pas avoir la gorge nouée lors du dernier plan de Mouchette, peut-être le plus beau filmé par Bresson.

C'est souvent ce qui manque à ses nombreux épigones : même lestée de discours ou de spiritualité, chez lui, l'image — et sa puissance expressive — prime sur tout le reste. Son "cinématographe" est, même s'il devait abhorrer le terme, aussi un spectacle.

Christophe Chabert

Week-end Robert Bresson présenté par Jean Douchet
À l'Institut Lumière vendredi 10 et samedi 11 avril


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Une belle fin