System of a Down et The Prodigy : les 90's en force

​Deux des plus belles bizarreries des années 90 se succèdent à la Halle Tony Garnier. Les néo-métalleux en djellaba de System of a Down et les punks à big beat de The Prodigy. Flashback. Benjamin Mialot


Les plus belles fleurs, dit-on, poussent sur du fumier. Par extension, ce doit être le cas des barbes fleuries. En l'occurrence celles des membres de System of a Down, quatuor californien apparu en plein boum du nu metal (en 1994), cet enfant illégitime et mal fini du hip-hop et des musiques extrêmes, et dont la discographie, au point mort depuis dix ans, impressionne encore par sa fantaisie et sa maturité.

Le secret de cette longévité sonore est atavique : là où ses pairs se complaisaient dans leur jus, rivalisant de poses affectées et de slogans reproductibles à la pointe de compas, System of a Down a préféré faire macérer les racines arméniennes de ses membres, jusqu'à sonner comme une sorte de Rage Against the Machine élevé au grand air embaumé d'opium des pleines caucasiennes.

Véritable derviche qui ne tourne pas rond, Serj Tankian, son frontman polyphonique, est celui qui incarne au plus près ce mélange d'engagement et de spiritualité, en particulier sur scène, bien que S.O.D. y ait toujours été précédé d'une très mauvaise réputation.

Ses chansons, elles, dans leur manière pour le moins loufoque de juxtaposer blasts d'agressivité pure et mélodies sincèrement plaintives, méritent une réévaluation en bonne et due forme – rien à jeter dans les deux premiers albums.

La révolution des crabes

Autre formation culte des années 90 dont on pourra juger de la forme à la Halle, The Prodigy, alias le précurseur de la pornographie en point of view (avec le sulfureux clip de Smack My Bitch Up), alias, surtout, l'une des figures emblématiques du big beat, cette dance music with an attitude typiquement britannique qui fit à l'époque la joie commune des vieux loulous et des jeunes teufeurs – puisqu'à mi-chemin du rock nihiliste et de la techno industrielle.

Peut-être même la plus emblématique. Il faut dire qu'à la différence des Chemical Brothers, The Prodigy a toujours assumé avoir voulu rendre soluble la culture rave dans le mainstream, quitte à se foutre l'intelligentsia indé à dos – sous ses éternels airs de petite frappe changée en crapaud, le bondissant Keith Flint cache un fieffé marketeux.

Reste que derrière les frasques et plans de com' faussement improvisés ont un temps grondé (sur les trois premiers albums) pléthore de tubes cyberpunk,  courtoisie du peroxydé Liam Howlett, qui s'attela tout seul comme un grand malade à la fusion de guitares portées à saturation et de breaks amphétaminés. A lui aussi, un jour, l'histoire rendra justice.

System of a Down
Á la Halle Tony Garnier mardi 14 avril

The Prodigy
Á la Halle Tony Garnier jeudi 16 avril


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