Dieu que la montagne est cruelle


«En un instant, le monde a changé à jamais.» prévenait l'affiche de l'adaptation pour le grand écran de La Route de Cormac McCarthy. Ce pourrait également être la tagline du Reste du monde de Jean-Christophe Chauzy qui, en quelque sorte, transpose ce classique instantané de l'errance en milieu mystérieusement dévasté dans les Pyrénées françaises, où une mère célibataire et ses deux fils vont se retrouver livrés à eux-mêmes suite à un orage aux proportions bibliques.

Le verbe de Chauzy, l'un des éléments les plus versatiles de la fine équipe Fluide Glacial, ne possède évidemment pas la puissance eschatologique de celui du récipiendaire du Prix Pulitzer 2007. Au contraire, les dialogues de cet album, première partie d'un diptyque dont il signe à la fois le scénario et la mise en images, manquent même terriblement de naturel.

Mais il a su saisir la quintessence du survival, cette façon tour à tour haletante et tranquille de faire dialoguer désordre à grande échelle et chaos intime – celui de la mère courage donc, qui va canaliser sa frustration vis-à-vis de son ex-mari démissionnaire en pur instinct de survie. Surtout, Chauzy est ici, c'est le cas de le dire, au sommet de son talent d'aquarelliste : sous ses pinceaux et à la faveur d'un découpage aussi accidenté que son récit, Dame Nature resplendit d'une inquiétante majesté raccord avec l'épanouissement sanglant de son héroïne.

Rick, le leader improvisé de The Walking Dead, n'a qu'a bien se tenir.

Benjamin Mialot

Jean-Christophe Chauzy
A la librairie Expérience jeudi 23 avril

Le Reste du monde (Dargaud)


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