Jazz Day : «une musique de combat»

Chaque année, le Jazz Day prouve que la musique tant aimée par Boris Vian est bien vivante et qu'elle est partout, même dans les morceaux de Beyonce. Rencontre avec Benjamin Tanguy, programmateur de Jazz à Vienne et coordinateur de l'événement. Propos recueillis par Valentine Martin.


Qu'est-ce que le Jazz Day ?
Benjamin Tanguy : Le Jazz Day, c'est la journée internationale du jazz, qui a été initiée en 2011 par l'UNESCO sous le patronage du musicien Herbie Hancock. Il a eu cette idée de choisir un jour pour montrer l'importance de cette musique dans le patrimoine immatériel de l'humanité.

Le jazz s'est crée dans un contexte social défini et il a eu une influence sur la société. Cette musique porte des valeurs très fortes de métissage, de liberté, de rencontre, des choses que ne portent pas forcément d'autres styles de musique. Le jazz, c'est plus qu'une musique, c'est un vrai courant social et sociétal qui a énormément influencé la société et qui continue de l'influencer. C'est dans cette optique que l'UNESCO et Herbie Hancock ont décidé de le promouvoir : pour ses valeurs, pour montrer qu'il n'est pas élitiste et poussiéreux. Et qu'il est terriblement actuel.

Mais s'il est aussi actuel, pourquoi a-t-il besoin du soutien de l'UNESCO ?
C'est une très bonne question. En fait, c'est plutôt l'UNESCO qui s'est emparé de cet événement. Herbie Hancock a su déceler dans le jazz quelque chose de très fort et, avec l'UNESCO, ils se sont aperçus que les valeurs défendues par le jazz correspondaient aux valeurs que souhaitait défendre cette organisation. Son objectif, c'est quand même de mettre en avant et de valoriser quelque chose d'historique, qui a apporté à l'humanité, qui continue à en apporter et qui doit être préservé.

Comment vous êtes vous retrouvé dans l'organisation du Jazz Day ?
La première édition s'est faite sur Paris, au siège de l'UNESCO, et je dirais que quand il y a eu cette initiative, ça m'a parlé, ça a parlé à l'équipe de Jazz à Vienne. Nous avions déjà monté différentes opérations dans ce sens donc nous nous sentions concernés. Nous nous sommes donc demandés s'il y avait une possibilité de créer une résonance à Lyon, où la vie jazzistique est quand même bien vivante. On a commencé par mettre autour de la table les acteurs du jazz et on a suivi les objectifs fixés par Herbie Hancock, c'est à dire d'aller à la rencontre d'un public qui n'a pas forcément accès à cette musique et d'aller dans des lieux qui n'accueillent pas non plus cette musique. Il faut essayer de toucher un nouveau public et de changer l'image de cette musique.

Il s'agit de dire aux jeunes que le jazz est le parrain du hip-hop, du groove, du funk et des musiques actuelles en général. Concernant le Jazz Day, la première édition a été un succès. L'année dernière, nous avons encore renforcé les choses et cette année il y aura plus de 60 événements. Pour 2015, c'est quand même quatre agglomérations, 24 heures, quarante lieux, cinquante acteurs et plus de deux cents musiciens mobilisés.

L'idée n'est pas d'éduquer mais de sensibiliser, ce qui est très différent. C'est ce message qu'Herbie Hancok porte et qu'il nous faut diffuser. Il faut s'adresser à la nouvelle génération, aller dans des lieux éducatifs, et dans des lieux qui n'accueillent pas du jazz ou vers un public qui n'est pas sensibilisé. C'est pour cela qu'on va dans des centres pénitenciers, dans des Emmaüs, dans les EPAD... Mais chaque structure est maîtresse de sa programmation, nous avons juste un regard du choix de la direction artistique du projet.

Vous parler de «dépoussiérer» le jazz. Est-ce parce qu'il a vieilli et n'est plus d'actualité ?

Le jazz n'est pas mort, il est bien vivant et infiltré de partout. On a la chance actuellement d'avoir une nouvelle génération de jeunes musiciens qui ont grandi en écoutant de la musique électronique, du hip-hop, du rock et en même temps qui ont fait tout leur parcours de musiciens dans les conservatoires de jazz avec une formation très sérieuse. Il n'y a jamais eu autant de conservatoires et d'écoles de musique qui enseignent le jazz, ce qui est la preuve qu'il y a quand même des musiciens qui s'y intéressent. Les nouveaux musiciens ont donc cette ouverture d'esprit, avec un profond respect pour les pères du jazz. Ils ont moins peur de mélanger les styles. Autre côté positif : il n'y a jamais eu autant de festivals de jazz en France, ce qui prouve que le public est présent. Rien que dans la ville de Lyon, on peut compter une dizaine de clubs de jazz, ce qui est énorme ! Dans la région, il y a des centres de formations de très haut niveau qui produisent des jeunes musiciens très talentueux et moins complexés que les anciennes générations. Le jazz est donc partout. Même dans les morceaux de Beyonce ! Il est joué par de nombreux musiciens qui font de la pop et de a variété, parce qu'ils ont justement une exigence musicale et un groove inégalable.


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