Avec leurs meilleurs sentiments


Parmi les nombreuses questions que se pose la très sérieuse Académie du style GQ, il en est une, plus cruciale que la moyenne, qui n'a pas encore trouvé de réponse : peut-on encore, en 2015, faire du rock en bermuda ? Il eut fallu pour cela que ses membres écoutent autre chose que de la pop bien repassée ou du rap de nouveau riche. Il eut fallu pour cela qu'ils écoutent le premier album de Turnstile, quintet de jeunes chiens fous de Baltimore qui, en l'espace de cinq ans et sur la foi de deux EPs aussi compacts qu'expéditifs (en particulier le déjà culte Step 2 Rhythm), a mis la communauté hardcore à ses pieds.

Nonstop Feeling prouve en deux temps trois mouvements de karate dance style que cette réputation n'était pas usurpée, le groupe s'y inscrivant dans une double tradition 90's (la frontalité new-yorkaise façon Snapcase d'un côté, le groove pour séance de fonte à la Suicidal Tendencies de l'autre) pour mieux la bousculer à coups de fulgurances plus ou moins douteuses.

Soli étincelants comme de la laque à cheveux (Can't Deny it, qui déborde de rage contre la machine) ou refrains pop (Blue by You, où le groupe met la misère à 90% de la production indie), Turnstile ose en effet tout et n'importe quoi – un peu comme les trop méconnus Australiens de 28 Days à leurs débuts – mais avec une telle hardiesse et un tel souci d'efficacité qu'on lui pardonne tout. Y compris, donc, le port sur scène de bermudas et, pire, de shorts de bain.

Benjamin Mialot

Turnstile [+ No Turning Back + Shinken]
Au Kafé mercredi 29 avril


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