Olivier Py assassine Carmen

L'Opéra de Lyon remet à l'affiche un Carmen qui avait pourtant déclenché, il y a 3 saisons, plus d'une mauvaise critique. Et pour cause : la mise en scène d'Olivier Py, guère visionnaire, passe complètement à côté du chef-d'œuvre de Bizet. Pascale Clavel


Carmen, c'est cet opéra romantique qui a su en son temps bousculer tous les codes du genre. C'est aussi cette œuvre d'une puissance aussi rare qu'éblouissante qui, depuis sa création, exacerbe nos fantasmes les plus enfouis. Carmen,  femme libre dans un XIXe siècle corseté par les conventions. Carmen, bohémienne et cigarière, héroïne rebelle éprise de liberté jusqu'à en mourir.

Las, dans cette production, l'oeuvre n'a plus rien à voir avec celle de Bizet. Nous ne sommes pourtant pas les derniers à défendre les mises en scène qui s'attachent à dépoussiérer des univers quelques peu fânés. Mais là où Olivier Py croit faire montre d'un propos moderne, audacieux et transgressif, il n'est que scandaleusement hors sujet.

On est d'emblée médusé devant ce décor monumental qui tourne et tourne encore. Un hôtel miteux d'un côté, un commissariat qui ne l'est pas moins de l'autre et les actes s'enchaînent, tantôt dans l'auberge de Lillas Pastia, tantôt sur une scène de music hall – où travaillerait Carmen – ou dans ses loges. Py tente à ce point de nous éblouir qu'il nous détourne du sujet. Bruyamment. Mille personnages arrivent et repartent : là un singe, ici une panthère, entre autres évocations de la brousse (palmier compris), ailleurs un drapeau français, un nain qui brandit sa pancarte "entracte"... Patchwork d'une tragique incohérence.

Et Py c'est tout

On l'aura compris : l'actuel directeur du festival d'Avignon aime plus que tout la provocation et les travestissements. Le problème ici, c'est qu'il en oublie la musique. Carmen danseuse de cabaret qui chante L'amour est un oiseau rebelle, passe encore… Mais lorsqu'elle entonne Sur les remparts de Séville, la mâchoire inférieure nous tombe du visage : c'est une Carmen dénaturée qui s'affiche.

La distribution vocale est d'ailleurs tout juste honnête. Aurait-on choisi Kate Aldrich pour son physique plus que pour sa voix ? Arturo Chacon-Cruz (Don José) fait lui montre d'un jeu plutôt convaincant, mais vocifère dès qu'il sent la passion l'envahir. Même les chœurs de l'Opéra, d'habitude d'une si belle homogénéité, semblent interloqués par les tempi venus de l'orchestre.

Il faut dire que le chef Riccardo Minasi, peut-être lui aussi subjugué par le décor,  se met dans l'ombre, la musique passant comme dans le lointain. Bref, tout cela manque d'humilité.

Carmen
A l'Opéra de Lyon jusqu'au dimanche 17 mai


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