Des garnis vernis


C'est le genre d'endroit dont on dit en rentrant de Berlin, Prague ou Cracovie qu'«il n'y a que là-bas que l'on peut voir ça». Et pourtant, c'est à Lyon que ça se passe, en pleine presqu'île, à 300 mètres de "l'édilique" place des Terreaux, dans les neuf chambres attenantes à un appartement que Madame Tabardel a acheté il y a plusieurs décennies et où vécurent des garnis, des hommes de passage qui louaient leur espace pour une nuit ou des mois (aucune femme, par crainte de la prostitution).

Á cette atmosphère déjà particulièrement perturbante que crée le fait d'entrer chez des gens dont on ne sait pas ce qu'ils sont devenus, s'ajoute le travail de commissariat d'exposition d'Aurélia et Héloïse Zahedi, petites-filles de la propriétaire, qui ont convié des artistes à faire cohabiter leurs œuvres avec les ombres du passé.

Là, des statues de bois africaines peuplent des chambres où trônent bidets et lavabos recouverts de poussière ; ailleurs, le plasticien Tristan Alexandre a lui incrusté des figures qui apparaissent par intermittence dans les miroirs ; plus loin,  des impressions à l'encre de pétale de rose de Quentin Derouet se juxtaposent à des gravures de Nelly Toussaint...

Déstabiliser le visiteur, tant par la diversité des formes proposées que par ce qu'elles racontent, tel est le fil rouge de ces installations qui, à l'instar de ce squelette d'un poulain tenu par des filaments scintillants, sont incongrues tout en donnant l'impression d'avoir été là depuis toujours. Étonnant pélerinage dans un temps figé voilà 50 ans que cette galerie éphémère, tapisserie décrépie et toiles d'araignées incluses.

Nadja Pobel

Les Garnis
16 rue Paul Chenavard jusqu'au dimanche 10 mai


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