Stéphane Brizé : «Un film d'indignation et de colère»


Méthode

Stéphane Brizé : «J'avais un scénario écrit avec des dialogues, mais aux acteurs, je ne donnais à chacun que les infos qu'ils devaient savoir. Par exemple, à Pôle Emploi, j'avais donné à Vincent le nombre de mois depuis lesquels il était au chômage, combien il gagnait, les stages qu'il avait fait, combien il touchera avec l'ASS. Et le type en face de lui, c'est comme quand il reçoit un vrai demandeur d'emploi : il a les mêmes infos. Ils savent l'enjeu de la situation, ils savent où ils doivent arriver et ensuite ils viennent remplir avec leurs mots à eux.»

Acteurs non professionnels

«Même quand je travaille avec des acteurs professionnels, je les prends pour ce qu'ils sont. Ici, ce n'est pas tant ce qu'ils sont que ce qu'ils font. Il y avait des fonctions, et nous nous sommes dirigés vers des gens qui avaient ces fonctions : la banquière, c'est la banquière des castings ; elle a proposé un de ses collègues qui était le DRH de sa banque pour jouer le DRH ; le directeur du supermarché, c'est un chef d'entreprise que je connaissais. Moi-même, j'ai fait un stage d'agent de sécurité pour le film. Vous ne pouvez pas imaginer ce à quoi j'ai assisté. J'avais vu une scène que j'avais retranscrite dans le scénario, j'ai essayé de la tourner et c'était intournable. J'ai assisté à l'interpellation d'une dame, cinquantaine d'années, pas très modeste, qui avait volé un mascara et une carte postale. Elle hurlait dans la salle à l'agent de sécurité noir : "Vous comprenez ce que je vous dis ? Non ? C'est normal, vous n'êtes pas de la même race !" Et moi, elle me dit : "Et l'autre Portugais, qu'est-ce qu'il a à me regarder ?" En sortant de la salle, elle hurlait : "Vive Marine !"»

Politique

«Des gens abandonnés comme Thierry qui arrivent à 50 ans, qui doivent vendre leur mobil-home à 1000 euros près, c'est une honte. Le monde dans lequel on vit, avec une vraie droite et une fausse gauche main dans la main, crée ce genre d'horreurs. C'est un film d'indignation, de colère, de tristesse aussi. La question c'est : doit-on tout accepter pour un CDI ? À partir du moment où les patrons jouent avec le travail comme avec une arme, ils ont trop de pouvoir.»


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