Chocolat show


Il y a un truc avec les rockers québécois, c'est leur inclination pour les textes absurdes voire concons – en cela ils ne rivaliseront quoi qu'il arrive jamais avec les hordes de compatriotes hululant que la jurisprudence Plamondon-Dion nous envoie par wagons depuis des décennies, mais quand même.

Que l'on songe à Jean Leloup, à Malajube, à Pierre Lapointe, à Feu Thérèse, à The Dears ou à Chocolat, la formation qui nous concerne aujourd'hui, il semble y avoir là un amour de la langue trempée dans tout ce qui passe de défendu ou d'indéfendable. Souvent accompagné d'une production cachant la voix derrière un voile d'instruments, si bien qu'on ne comprend pas toujours bien de quoi on parle – si tant est que le fait de faire rimer "princesse" et "fesses" ou d'invoquer des lutins ait de l'importance.

Ici donc, on se fait prendre la langue dans le pot de chocolat avec le groupe de Jimmy Hunt, adepte du mélange de genres, comme beaucoup de ses compatriotes (il a frayé avec Cœur de Pirate, bon), sous des couches et des couches et des couches d'instrumentations garage psyché, de nappage krautrock, de glaçage progressif, d'émulsion post-rock, qui viennent comme recouvrir les mots et emballer l'atmosphère.

Dix ans que le groupe sévit, en dépit de quelques interruptions, et son Tss Tss – faire ce bruit avec la langue s'appelle tchiper en langage jeune, c'est dire si on reste dans le thème – nous chope au collet pour nous envoyer planer ou nous exciter jusqu'à l'Apocalypse – fantastique morceau – de nous-même, en surdose de sucre, en manque de stupre ou l'inverse. Au sein de la scène québécoise, gourmande de tout, on remarque d'ailleurs que les deux sont très souvent liés.

Stéphane Duchêne

Chocolat [+Raymonde Howard]
Au Sonic samedi 16 mai


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