L'orfèvre élect'Rone

Le troisième album de Rone, "Creatures", est exaltant et passionnant en tous points. Production très soignée, collaborations étincelantes, ambiances musicales féériques, il confirme qu'il est le diamant brut de l'électro française du XXIe siècle. On prendra la mesure de son éclat à Nuits Sonores. Nicolas Bros


Même si l'effet de surprise n'est plus, le Rone cru 2015 met tout le monde d'accord.  À 34 ans, Erwan Castex met la barre très haut avec son troisième album, l'onirique et lumineux Creatures. L'effervescence ayant entouré Tohu Bohu, son précédent disque, témoignait déjà de la qualité des productions de l'artiste alors exilé à Berlin : un véritable condensé de bombes électroniques entre douceur et dancefloor, tels l'imparable Bye Bye Macadam ou le florissant Parade. Avec Creatures, Rone réitère l'exploit, fruit du travail minutieux d'un véritable passionné de sons électroniques naviguant à l'étage céleste.

Sons tentaculaires et épanouissement auditif

Très mélodique, Creatures est également poussé sur le plan technique, conservant un côté paradoxal dans sa construction. «Ce qui est étonnant explique Rone, c'est que Creatures est mon album le plus collectif mais également le plus intime."» Dans le but d'atteindre un niveau supplémentaire dans sa création, Rone s'est en effet appuyé sur toute une équipe de techniciens et de musiciens. De quoi lui permettre de s'exprimer pleinement, tissant des sons tentaculaires propices à une expérience auditive inédite, comme sur les titres Acid Reflux ou Ouija.

«Au départ, je crée la musique chez moi explique-t-il. Mais très vite, des limites techniques apparaissent, notamment en terme de mixage. Les ingénieurs du son m'ont permis d'obtenir plus de relief, d'espace et même de silence dans ma musique. Au final, j'étais un peu moins focalisé sur la technique et j'ai pu me concentrer sur la création.» 

Quant au côté intime, il suffit de regarder de plus près les visuels de Creatures, notamment sur scène. Ils ont tous été conçus par Lili Wood, qui n'est autre que la compagne et mère de la fille de Rone. «L'idée de travailler en couple m'a fait peur au début. Mais finalement, cela s'est vraiment bien passé. La musique a littéralement envahi notre maison» sourit l'intéressé.

Autre aspect marquant : les noms des artistes ayant apporté leur patte à Creatures. Aux côtés du génialissime percussionniste Bachar Mar-Khalifé, se succèdent notamment Étienne Daho, le touche-à-tout Bryce Dessner (de The National) sur Mortelle ou bien François Marry (sans ses Atlas Mountains) sur Quitter la Ville. Et lorsqu'on lui parle de la touche pop qu'apportent ces chanteurs, Rone répond «qu'il n'a pas envie de formater sa musique et que ce qui l'intéresse, ce n'est pas de faire de la musique obscure mais bien d'expérimenter l'overground». Lui pour qui l'adage "créer c'est vivre" est plus que jamais valable, est un laborantin des sons modernes. 

Rone
Á l'Ancien Marché de gros, halle 2, samedi 16 mai à 1h45


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