Une belle tête de vainqueur


Quand Julien Santini a clamé sur Facebook que Patrick Sébastien assisterait, à l'Anagramme, à une représentation de son seul-en-scène dans l'idée de l'inviter dans son émission, on y a cru. Pas tant par excès de confiance en son talent – dont on a justement pris la mesure dans l'intimité pierreuse du théâtre de la rue Royale – que parce que le bonhomme est à ce point maître de ses émotions qu'on ne sait jamais vraiment s'il est lui-même ou dans la peau mal rasée de son personnage de showman à la manque – peut-être aussi parce que les deux se confondent.

On qualifie de "pince-sans-rire" cette façon de pratiquer l'humour et c'est idiot car, pour le coup, on rit beaucoup à l'écoute des bassesses et envies de grandeur de ce Corse (installé à Lyon) à l'apparence (mi-professorale mi-patraque) et à l'ego (surdimensionné mais pas dénué de tendresse) de cinéaste névrotique. On rit à l'évocation de ses souvenirs d'un kafkaïen passé de fonctionnaire, à sa découverte du milieu du théâtre subventionné, riche en incompréhensions et en piques ad hominem, et même pendant les impromptus qui viennent ajouter à l'heureuse irrégularité de son récit – en particulier la mise en espace d'un texte sur la fellation qui aurait beaucoup plu à ce cher Patou.

En chaque occasion, Santini fait montre d'un sens du timing et d'un aplomb d'autant plus louables qu'il ne s'est lancé que très récemment dans le métier. Par sûr, du coup, que son alter ego survive à l'ascension qui risque d'être la sienne.

Benjamin Mialot

Julien Santini
A l'Espace Gerson du mercredi 27 au 30 mai


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