Le salaire du sapeur


J-5 de la première. David Bobée nous ouvre les portes de sa future création. D'emblée Paris séduit par sa scénographie, qui transforme en un tour de passe-passe vidéo l'espace de jeu tantôt en studio tantôt en rue. Intérieur/extérieur. Un personnage se balade entre les deux.

Son métier ? Éboueur. Ou plutôt, comme il le dit, «chauffeur » de camion poubelle – ses gars, eux, sont des «ripeurs», du nom de la société qui les emploie. Le reste du temps, dans le secret d'un 17 m² d'où il contemple les lueurs de la capitale, il s'invente une autre vie à grands renforts de fringues de marques.

Car Parfait, c'est son nom – et celui d'un personnage du roman Mélo de Frédéric Ciriez, dont Bobée adapte ici une partie – est sapeur, ces dandys congolais pour qui l'élégance est affaire de couleurs éclatantes.

Á l'heure des répétitions, ce ne sont pas ces scènes-là que l'on verra, mais la Ville Lumière. Peu reluisante, elle défile à toute allure, tandis que de l'autoradio s'échappent des bribes d'un quotidien en pilote automatique, des petites révoltes de Léa Salamé aux logorrhées de Jean-Marie Le Pen.

Dans cet espèce de Taxi Driver aux commandes d'une benne à ordures, le comédien Marc Agbedjidji prend ses marques et porte presque seul (deux autres comédiens interviennent par instants) ce spectacle qui dit le déracinement. David Bobée l'a déjà dirigé, notamment dans Lucrèce Borgia l'an dernier. Á voir comme il l'incite à trouver le bon rythme et le bon phrasé, il semble s'être emparé de ce récit poignant avec beaucoup d'inspiration. 

Nadja Pobel

Paris
Aux Subsistances, dans le cadre de Livraisons d'été, jusqu'au samedi 13 juin


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