Almódovar : boulevard et gaspacho


La saison cinéma de patrimoine se termine (presque) comme elle avait (presque) commencé. Alors qu'en octobre, Lyon vivait au rythme espagnol avec le prix Lumière remis à Pedro Almódovar, c'est en ce mois de juin les salles indépendantes réunies sous la bannière du GRAC qui visitent un chapitre de son œuvre : pas n'importe lequel, puisque Femmes au bord de la crise de nerfs est le premier grand succès populaire — et mondial — du cinéaste madrilène, visage filmique de la Movida, le mouvement qui permit à l'Espagne de tourner culturellement la page du franquisme.

Pourtant, rien de particulièrement underground dans cette comédie de mœurs en huis clos où une femme trompée se retrouve au cœur d'un imbroglio sentimentalo-policier mêlant une demi-douzaine de personnages, tous reliés à l'amant volage et en fuite. Dans une sorte de boulevard sous psychotropes — résumé par l'épisode mythique du Gaspacho bourré de somnifères — Almódovar multiplie les situations burlesques tout en montrant, déjà, son envie de mélodrame, qui s'épanouira pleinement dans la deuxième partie de sa carrière.

Le trait d'union entre les deux : des décors volontairement artificiels, aux couleurs pétaradantes, que la caméra traverse selon une mise en scène parfaitement étudiée, comme au temps de la splendeur classique d'Hollywood. C'est aussi pour le cinéaste l'occasion de réunir ce qui formait l'essentiel de sa "troupe" de comédiens dans les années 80 : sa muse Carmen Maura, le bel Antonio Banderas, qu'il avait révélé dans Matador, mais aussi des créatures purement almodovariennes comme Rossy De Palma et Chus Lampreave. De quoi boucler la boucle en beauté, en attendant le 18 juin, jour de la révélation attendue du prochain prix Lumière.

Christophe Chabert

Femmes au bord de la crise de nerfs
Dans les salles du GRAC jusqu'au 29 juin
www.grac.asso.fr


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