Très Honoré


Á sa création en 1902, Pelléas et Mélisande avait à la fois fait scandale et émerveillé tant le propos de Debussy y était nouveau – s'emparant de la pièce éponyme de Maeterlinck, il avait exprimé son souhait de composer «un opéra après Wagner et non pas d'après Wagner».

L'intrigue est simple : un mari jaloux tue son frère qu'il soupçonne d'être l'amant de sa femme. De là, Debussy a écrit une œuvre plongée dans une atmosphère sensuelle, onirique et troublante, où les personnages sombrent tous au rythme d'une musique pleine de frémissements, de murmures et d'ondes de choc d'une puissance émotionnelle toute singulière.

Á l'Opéra de Lyon, où le réalisateur Christophe Honoré s'en empare avec une certaine efficacité, les contrastes sont saisissants. Du côté de l'orchestre, tout paraît juste, la musique jaillissant de la fosse en de belles fulgurances grâce à la direction exceptionnelle de Kazushi Ono. 

Bernard Richter campe un Pelléas de belle envergure, attachant dans ses intentions, vocalement très présent, tandis qu'Hélène Guillemette incarne une Mélisande à l'opposé de la nunuche fragile que l'on voit si souvent. Elle est là, en chair, en voix, convaincante dans une prosodie française pourtant très complexe à porter. Vincent le Texier enfin, habitué au rôle, reste un Golaud magnifique de jalousie, inquiétant dans son lien de plus en plus fou à Mélisande.

Le Royaume d'Allemonde n'a quant à lui plus rien d'imaginaire, Honoré s'acharnant à le rendre réaliste et glauque. Seule la dramaturgie manque parfois de souffle. Ce Pélléas nouveau n'en reste pas moins très séduisant.

Pascale Clavel

Pelléas et Mélisande
A l'Opéra de Lyon jusqu'au lundi 22 juin


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