Comelade imaginaire


You're Never Alone with a Schizo. Le titre du cinquième morceau du vingt-huitième album (selon la police) de Pascal Comelade (une embardée garage avec les Liminanas) résume sans doute à merveille sa musique. Alors bien sûr, Pascal Comelade n'est pas un schizo, du moins pas à notre connaissance. Mais rarement on aura vu dans l'histoire du rock (car oui, Comelade c'est du rock) un type à l'imaginaire à la fois aussi touffu – il n'y a qu'à réciter à haute voix la liste des titres de ses morceaux – et obsessionnel, maniaque et éparpillé.

Si l'on dit des grands cinéastes qu'ils font toujours le même film et que c'est même à ça qu'on le reconnaît, alors Comelade est, lui, un très grand musicien, décidé, mais aussi déchiré et déchirant dans ses aspirations à la transsubstantiation musicale. La preuve : quand il emprunte un morceau à autrui (Wyatt, les Stones, Deep Purple), ce qui ébaubit c'est sa capacité non seulement à le dissoudre mais surtout, comme on dit au Groland, à la ressoudre, pour ne pas dire à la ressusciter dans un mouvement contradictoire.

Souvenons-nous de ce film d'Hal Hartley pour une collection Arte sur le passage à l'an 2000. Jésus, incarné par Martin Donovan y revient sur terre, à New York,  pour l'Apocalypse. Dans la dernière scène du film, bercée par les notes d'une des plus belles chansons du monde, le Love Too Soon de... Comelade et PJ Harvey, Jésus, doublement face à son destin d'homme et de messie, se livre à un poignant monologue s'achevant sur ses mots : «Est-ce que tout cela a un sens ? Avons-nous un sens ?»

La réponse est dans la musique de Pascal Comelade, pas en tant que vérité révélée, mais parce que son imaginaire schizophrène nous permet de nous sentir moins seuls.

Stéphane Duchêne

Pascal Comelade,  Bel Canto Orquestra & Cobla Sant Jordi
Aux Nuits de Fourvière samedi 27 juin


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Une seconde mère